Poonam Abbi

Cet article se penche sur la nécessité de créer des institutions de la société civile, sur le besoin de renforcer celles qui existent déjà et sur les conditions à réunir pour y arriver. Il tente d’examiner le contexte dans lequel vivent les pauvres des zones rurales et les contraintes auxquelles ils doivent faire face pour se procurer un certain bien-être. Ceci nous permettra de nous tourner vers les efforts actuellement entrepris par les différents intervenants en vue d’atténuer ces contraintes. Nous étudierons tout particulièrement le rôle de la société civile et examinerons ce que peuvent faire les institutions tels l’État et les donateurs pour faciliter son autonomisation. Les habitants des étendues vallonnées situées au sud des monts Arâvalli sont le point de mire de cet article. Ce massif se trouve au nord de la ville d’Udaïpur, dans l’État du Râjâsthan, au nord-ouest de ­l’Inde. Quand nous avons jugé pertinent de le faire, nous avons puisé dans l’expérience que l’organisation Seva Mandir a accumulée durant vingt-cinq ans consacrés au développement rural dans cette région. Poonam Abbi est responsable de la coordination de l’École de gestion du peuple Seva Mandir en Inde.

Autonomiser la société civile

Cet article est un essai qui tente tout d’abord d’esquisser le profil socioéconomique des zones rurales du district d’Udaïpur. Il retrace ­ensuite dans les grandes lignes l’évolution de l’État par rapport à son rôle dans le domaine du développement. Il présente pour cela un bref panorama de l’impact des mesures progressistes récemment adoptées par le gouvernement contre la pauvreté. Cette nouvelle politique est centrée sur le développement participatif et s’illustre par la gestion conjointe des forêts (une tentative politique visant à officialiser les droits des habitants des forêts) et par l’utilisation du système de Panchayati Raj (qui constitutionnalise l’autogouvernance au niveau local). Enfin, il expose le cas de la société civile, en examinant son rôle dans le développement et dans les domaines qui y sont liés. Ce point soulève certaines questions relatives à l’autonomisation de la société civile et ouvre ainsi le débat sur le rôle des agents externes1 tels l’État et les donateurs dans le processus d’autonomisation.

Contexte

Les gens

De manière à présenter le contexte, il est judicieux de présenter le ­village de Talai dont la situation économique, sociale et politique est caractéristique de celle des villages du district d’Udaïpur.

À Talai, l’agriculture est le principal moyen d’existence. La superficie des propriétés agricoles va de deux à plus de dix bighas,2 celle des friches de deux à plus de quinze bighas et les élevages comptent entre quatre et dix bêtes. Soixante-quinze pour cent des habitants de Talai pratiquent un mode d’agriculture qui dépend des chutes de pluie. Les équipements d’irrigation sont peu nombreux comme l’indique le faible pourcentage d’agriculteurs se livrant à la culture de plantes qui exigent un arrosage intense comme la canne à sucre ou le rajka (une plante fourragère). La plupart des foyers ne parviennent pas à subvenir à leurs besoins en céréales alimentaires et sont contraints de les acheter. Toutefois, cette dépendance du marché varie selon les foyers, certains pouvant vivre en autarcie pendant des périodes allant jusqu’à onze mois, d’autres ne parvenant à survivre ainsi que six mois durant. En moyenne, entre vingt-cinq et trente pour cent des foyers ne disposent d’une nourriture suffisante que pendant cinq ou six mois et dépendent largement le reste de l’année de la source de revenus que constituent les emplois qu’ils trouvent hors du village. À Udaïpur ou dans la région minière de Kelva (dans le district limitrophe de Rajsamand), où il demeurent au moins deux semaines par mois, ils se font embaucher comme journaliers pour un salaire qui varie entre 50 et 150 INR.3 Certains foyers dépendent moins du travail à l’extérieur pour compléter leurs revenus agricoles. Ces gens-là cherchent généralement une occupation dans le village ou dans ses environs. S’ils décident d’aller à d’Udaïpur, ils n’y restent généralement pas très longtemps.

Les activités de Seva Mandir révèlent un taux élevé d’appropriations (de privatisations) de terres appartenant à la communauté de Talai et dont font partie les terres à revenus,4 les charnots5 et les zones forestières.6 Les tentatives de privatisation ont conduit les gens à faire des compromis avec le patwari7 ou l’agent forestier pour que les appropriations soient reconnues, c’est-à-dire légalisées. Dans un tel cas, le patwari reçoit un pot-de-vin qui varie entre deux et trois mille roupies. Toutefois, même après l’enregistrement de l’acte de propriété, il se peut qu’il touche de temps en temps entre deux et trois cents roupies pour faire activer le processus de «régularisation» de l’appropriation d’un terrain. Si celle-ci n’est pas enregistrée, il n’est pas certain que son auteur devienne propriétaire du terrain en question. En outre, la personne incriminée doit craindre une intervention de la police et s’attendre à des tracasseries de la part du patwari qui risque d’attribuer le terrain à quelqu’un d’autre. Les transactions avec l’agent forestier ont un ­caractère «moins officiel» du fait que normalement aucun acte de ­propriété ne peut être enregistré pour les zones forestières. Ceci se traduit généralement par le paiement d’une «amende» (en réalité un pot-de-vin, souvent payé en nature) pour usage de terres arables. Cette amende est également prélevée pour l’appropriation de bois ou d’autres produits provenant des zones forestières. L’agent forestier conserve généralement cinquante pour cent de ces produits.

Les gens se soumettent à ce régime car ils dépendent largement de la forêt. Celle-ci est la source principale qui leur fournit le nécessaire pour couvrir leurs besoins personnels en carburant, fourrage, bois d’œuvre et herbages. Néanmoins, en raison de la croissance de la population et de la déforestation, les forêts ne parviennent plus à subvenir complètement aux besoins des gens. Ils doivent manifestement trouver de nouvelles ressources, ce que reflètent les efforts entrepris par la communauté villageoise pour entretenir les herbages en dépit du fait que la quantité de fourrage obtenue est insignifiante (elle couvre seulement les besoins des foyers pendant quinze jours ou un mois par an). Le travail dans les pâturages a été achevé avec le concours de Seva Mandir une fois que dans le cadre d’un partenariat de dix ans avec le village, les conditions eurent été réunies pour permettre de ­travailler les terres communales.

L’expatriation des gens en quête de travail, qui se traduit par leur absence et par l’influence de certains facteurs qui en découlent, a réduit l’étendue du contrôle social exercé par les jati panchayats (les institutions villageoises traditionnelles reposant sur le système des castes) qui défendent les intérêts des puissants. Le capital social qu’ils incarnent n’est pas employé pour l’entretien des biens de la communauté dont dépendent les pauvres.

Les statistiques du recensement effectué dans la région de Jhadol, dont Talai fait partie, révèlent des pourcentages élevés de maladies et d’analphabétisme (taux d’alphabétisation dans toute la région: hommes: 13 %; femmes: 2,8 %). Les actions médicales récemment organisées par Seva Mandir confirment ces chiffres. La mauvaise santé et l’analphabétisme ne sont que deux des nombreux effets du manque général d’accès aux ressources et institutions au sein et hors de la communauté. Les femmes en sont les plus grandes victimes: du fait de cette situation, leurs capacités sont réduites, ce qui reporte automatiquement le pouvoir décisionnel sur les hommes qui, en raison de la répartition traditionnelle des rôles, ont un meilleur accès à l’éducation.

L’État

Par le passé, l’État indien est toujours largement intervenu dans le secteur social. Il pensait autrefois que le développement économique centralisé était le catalyseur de la justice sociale. Toutefois, cette idée n’a pu prendre racine du fait que le développement limitait la détention du pouvoir et des ressources à l’élite du pays. Après l’indépendance, ­l’État s’est efforcé de créer une infrastructure sociale, mais cinquante ans plus tard, les statistiques révèlent que la pauvreté n’a pas tellement été atténuée. Dans la foulée, bien des choses ont en outre été dénaturées.

L’État se chargeait autrefois de la gestion des ressources naturelles comme les forêts, les fleuves, les rivières et leurs produits. Il était également responsable de la production du bois d’œuvre et d’autres produits dont il tirait des revenus. La communauté ne disposait de ce fait que d’un accès restreint à ces ressources, si bien que les gens finirent par en perdre le sens de la propriété. En outre, comme ils dépendaient d’elles (en raison de la croissance de la population et de la mauvaise productivité des ressources de base), ils furent contraints d’exploiter les ressources restantes, ce qui ne les empêcha pas d’empiéter sur celles qui étaient placées sous contrôle gouvernemental. La privatisation ponctuelle des terres devint de plus en plus fréquente dans ce contexte où leur possession constituait un avantage (les terres communales étant en mauvais état et/ou propriété de l’État). Ce processus qui se poursuit de nos jours entraîne des inégalités du fait qu’il est très marqué par l’individualisme et la concurrence. Les gens qui en profitent le plus (ceux qui s’approprient de meilleures terres d’une plus grande superficie) sont ceux qui sont mieux au courant des faits, qui savent mieux tirer les ficelles de la politique et qui disposent de plus de pouvoir. Ces bénéficiaires doivent former des alliances basées sur des compromis avec les représentants du gouvernement comme le patwari ou l’agent forestier. En raison des contraintes dues au manque de terres et à leur mauvaise productivité, les autres sont obligés de partir en quête d’un travail occasionnel pour compléter leurs revenus. Ils dépendent largement des programmes gouvernementaux pour l’emploi (sylviculture, construction de barrages et de routes, etc.) et un grand nombre d’entre eux y prennent part. Les représentants du gouvernement encouragent la dépendance de l’État et «l’exploitation» des ressources. Ils profitent du fait que celle-ci est «illicite» pour prendre de l’ascendant sur les gens et les forcer à verser des pots-de-vin.

À court terme, les gens considèrent que ce type de partage des bénéfices est intéressant, quoiqu’en réalité il leur est néfaste. Ils ignorent par conséquent les dommages causés à leurs intérêts communs à long terme. Les compromis sur lesquels se basent ces rapports privent les gens de tout pouvoir. Au bout du compte, ils finissent par s’accommoder des restes. De plus, la majorité des pauvres ne dispose que de possibilités réduites de faire appel à ces représentants officiels et ne bénéficie pas des avantages des programmes de développement. Ils n’ont pas la possibilité de s’unir pour avoir leur part dans le processus de développement. L’habitude de chercher à obtenir des avantages auprès des décideurs et des représentants officiels plutôt que de s’adresser aux associations et aux groupements politiques a considérablement réduit la capacité des pauvres en tant que classe à conduire le système à répondre à leurs besoins et à promouvoir leurs propres intérêts au moyen d’une action conjointe. Les gens ont confiance en un modèle de pouvoir vertical créé et renforcé entre le «mécène» (dans le cas présent, l’État) et son «client» (les communautés villageoises).

La décennie des années quatre-vingt-dix a connu de nombreux changements politiques fondamentaux en matière de développement et de gouvernance. Il est difficile de comprendre pourquoi l’État a entrepris tant de modifications aussi profondes qui concernent les pauvres. L’hostilité de l’opinion publique à l’égard de l’inefficacité de l’État et des institutions locales d’autogouvernement fournit peut-être une réponse. Étant donné la tendance croissante à ne pas réélire les gouvernements, l’opportunisme est devenu un facteur important dans les milieux du pouvoir et de la politique. Ainsi, leur engagement dans la mise en place de nouvelles politiques est singulièrement ambivalent et instable. Ils nourrissent parallèlement le désir de permettre aux gens de participer plus largement et d’avoir un meilleur accès aux ressources et celui de conserver l’emprise qu’ils ont sur eux. Il résulte de cela que la législation et la politique progressistes actuelles dépendent de l’équilibre des forces au pouvoir, c’est-à-dire d’un côté, de ceux qui veulent des changements réels et de l’autre, de l’État et de la structure sociale. La capacité institutionnelle et l’association des gens à la base est d’une importance capitale s’ils veulent profiter des chances que leur offrent les mutations politiques. Si l’on admet qu’il existe un manque de cohésion au sein des communautés villageoises, les nouveaux changements risquent fort d’accroître le contrôle social de l’État qui, au nom de la participation, coopère avec des associations redevables aux puissants de la société rurale.

Les institutions gouvernementales

Si l’on jette un coup d’œil sur les politiques et institutions gouvernementales et sur leur fonctionnement, on s’aperçoit qu’elles reflètent les dynamiques évoquées ci-dessus.

Les institutions du panchayati raj – Les organes d’augouvernement local sont constitutionnellement protégés par le 73e et le 74e amendement de la constitution indienne. Celle-ci exige que les élections se déroulent tous les cinq ans. L’amendement réserve également aux femmes un tiers des postes d’élus et requiert en outre une participation des membres de castes et tribus ne disposant que de certains droits,8 proportionnellement à leur nombre au sein de la communauté. Les amendements exigent des gouvernements des États qu’ils formulent des directives visant à mettre en place une vaste gamme d’activités de développement relevant des compétences des panchayats. Ils doivent également les doter des moyens financiers nécessaires pour s’acquitter efficacement des fonctions dont ils sont chargés. L’idée maîtresse de la nouvelle législation consiste à renforcer les institutions d’autogouvernance.

Les institutions du panchayati raj sont proches des électeurs. De ce fait, elles ont la possibilité d’être plus sensibles aux besoins de l’électorat, c’est-à-dire aux membres des communautés villageoises. À un autre niveau, qui dépend de la volonté de l’État à décentraliser le pouvoir, du type de région et de l’équilibre des forces, des pouvoirs supplémentaires accordés aux panchayats pourraient également ­renforcer le contrôle de l’État sur les gens par le biais d’institutions d’autogouvernement local.

Il semble toutefois que l’État ne souhaite pas véritablement décentraliser le pouvoir et qu’il ne veuille pas que les panchayats fassent preuve de transparence et jouent un rôle indépendant dans l’élaboration et la mise en place d’activités de développement. Le fait qu’actuellement les panchayats soient les «représentants sans habilitation» des marginalisés illustre bien cette tendance, ce que souligne également leur dépendance vis-à-vis de l’État et des groupes socioéconomiques ­puissants. Du fait de la situation socioéconomique à la base, les communautés des villages ont non seulement des difficultés à obliger les élus à faire preuve de transparence mais aussi à profiter des possibilités que leur ouvrent de telles initiatives.

Le programme de gestion conjointe des forêts (JFM) – La politique progressiste de ce programme vise à faire reconnaître les droits des habitants des forêts sur ces dernières. Le programme marque un changement de paradigme dans la gestion des zones forestières et dans le partage de leurs produits. Au départ, l’approche du ministère des Forêts était contraire aux intérêts des communautés locales car il voulait seul conserver la responsabilité de ce domaine.

Les directives du programme de gestion conjointe doivent inciter les gens à raviver la solidarité qui n’a plus cours dans les villages et à remettre les terres en état. Toutefois, du fait que les lois régissant ce processus sont complexes et exigent de la communauté qu’elle assume la responsabilité des opérations, le mouvement JFM a du mal à se propager spontanément. Les gens à la base ont besoin d’un soutien extérieur, tant technique que social, pour créer les fondements sociaux nécessaires à une sylviculture participative. Les directives politiques font également état du rôle de premier plan que doivent jouer les ONG dans ce programme. Au terme de quatre ans de travail acharné, Seva Mandir n’a cependant obtenu que quatre approbations officielles du ministère des Forêts, ce qui indique l’hostilité de ce dernier à l’égard des efforts entrepris par les ONG. Les possibilités qu’offrent ce type d’initiatives ne sont pas pleinement ex­ploitées: d’un côté, la société rurale est soumise à des contraintes socioéconomiques qui limitent son action, tandis que de l’autre, l’État a une vision erronée des problèmes et ne se penche pas sur ce qui les rend significatifs.

Les obstacles graves

La situation décrite ci-dessus permet de décerner quelques graves obstacles qui entravent le développement des pauvres. Ce paragraphe tente de les classifier.

Les obstacles structurels: les obstacles rencontrés lors de l’accès aux ressources naturelles. D’une manière générale, ils se traduisent par un accès réduit et inéquitable aux terres et aux ressources naturelles ainsi que par la mauvaise productivité de ces dernières, ce qui entraîne une insécurité matérielle. Ces obstacles touchent aussi les droits des gens sur ces ressources.

Les obstacles liés aux capacités: ces obstacles ont rapport aux gens. Les capacités réduites dont ils disposent (en matière de nutrition, de santé et d’éducation) ont un impact sur leur bien-être et restreignent l’acquisition et la diffusion des compétences nécessaires pour faire partie du secteur organisé.

Les obstacles liés aux sexes: outre le fait que l’on rencontre un taux de maladies et d’analphabétisme plus élevé chez les femmes, celles-ci sont privées de l’accès aux biens et ressources et n’ont aucun contrôle sur elles. Toutefois, si la question des femmes est mise ici en relief, la répartition des rôles n’en a pas moins d’effets sur les hommes.

Les obstacles sociaux et institutionnels: la réduction du capital social empêche les gens de participer efficacement aux opérations de développement et de les actualiser, ce qui serait bénéfique pour eux à long terme. Ils ne sont pas non plus en mesure d’exiger des autorités villageoises et des institutions qu’elles fassent preuve de transparence. Il devient donc difficile de former des capacités institutionnelles.

Pourquoi la société civile?

Si l’on s’en tient à ce scénario, il conviendrait d’accorder plus de ­place à la société civile et de légitimer son rôle dans le domaine du ­développement. Pourquoi la société civile?

  1. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, la notion d’État providence, responsable de la réduction de la pauvreté n’a en réalité jamais vraiment porté ses fruits. Ceci nous conduit à poser les questions suivantes: le gouvernement est-il capable de fournir ces prestations? Les exigences posées à l’État sont-elles réalistes, et si oui, dans quelle mesure? Seva Mandir considère que si l’État veut agir efficacement (et si la société souhaite un développement durable reposant sur des valeurs), il devra partager le contrôle avec les ONG et autres associations.
  2. Au cours des cinquante dernières années, l’État était la seule entité à laquelle les gens pouvaient s’adresser pour obtenir un soutien. De ce fait, il leur a fallu faire des compromis, et les rapports qu’ils entretenaient avec l’État et ses représentants devaient convenir à ces derniers. La société civile pourra servir aux gens de fenêtre supplémentaire ouverte sur leurs besoins en matière de développement. La pluralité qui lui est inhérente entraînera une décentralisation des ressources, du pouvoir et des valeurs et instaurera la transparence.
  3. Du point de vue des gens, il est primordial d’avoir une approche ­alternative du développement. Les rapports permanents que la société civile entretient avec les communautés villageoises, les principes qui la meuvent et les efforts entrepris localement pourront ­aider les gens à former les capacités dont ils ont besoin pour gérer leur développement. Grâce à sa nature même, la société civile ­dispose du champ d’action nécessaire pour librement définir les ­valeurs dans les limites desquelles il convient d’opérer. L’État ne dispose pas de cette liberté en raison des contraintes auxquelles il est soumis. L’exemple de Seva Mandir, en tant qu’organisation de la société civile, illustre ce paradigme alternatif de développement.

Le cas de Seva Mandir

Seva Mandir tente de faire participer la communauté au renforcement de la base de ses moyens d’existence (en se consacrant aux ressources individuelles et communautaires). Pour cela, cette organisation s’efforce de former des capacités au niveau du village et de créer des institutions villageoises assumant la responsabilité des activités de développement.

Les habitants de trente à quarante villages se sont mis lentement à tisser entre eux des liens plus ou moins profonds dans des domaines auxquels ils attachent de l’importance. Dans certains de ces villages, les questions relatives aux terres ont rapprochés les gens. Les bases de la cohésion sociale ont d’abord été jetées par les mises en culture individuelles puis par le travail sur des terres en friche privées mises en commun. À partir de cela, les gens se sont organisés peu à peu en se consacrant conjointement aux terres et aux lignes de partage des eaux de leurs villages. Les terrains que certains s’étaient appropriés ont été restitués à la communauté et les terres remises en état. Deux objectifs ont ainsi été atteints. Premièrement, la productivité (et par là les résultats de leurs moyens d’existence de base) s’est améliorée, la participation au travail agricole a augmenté et le taux de migration a donc diminué. La production fourragère, la plantation de jeunes arbres, l’augmentation du niveau de l’eau dans les puits et l’accroissement de la production sont dus à la polyvalence des terres. Dans certains villages, l’amélioration des systèmes d’irrigation et de la rétention de l’humidité dans le sol a en outre permis de diversifier les cultures. Deuxièmement, le travail effectué a eu un impact favorable sur le rétablissement des liens sociaux entre les villageois et du rapport qu’ils ont avec leurs terres. La remise en commun des terres que certaines personnes s’étaient appropriées a permis à celles-ci de se libérer dans une certaine mesure des rapports verticaux qui les liaient au patwari. Les questions de genres ont également été soulevées: des groupes de femmes et des activités économiques ont été créés en tant qu’instruments ­d’autonomisation. La mise en place de systèmes équitables et transparents pour gérer les ressources a permis d’introduire un mode de culture essentiel pour disposer d’institutions villageoises vivantes.

Dans ces villages, on s’aperçoit que les autorités qui incarnent le savoir dans les différentes activités de développement (réalisées avec Seva Mandir) font preuve de plus de transparence vis-à-vis de la communauté au service de laquelle elles se trouvent. Ceci est dû au fait que les groupes villageois, solides et unis, peuvent leur demander des comptes. En outre, comme leur pouvoir dépend de leur travail et de leur sensibilité à l’égard des besoins du village, il ne repose plus uniquement sur des liens de mécène à client, mais sur les résultats ­fournis et sur leur valeur. Ce type d’administration ne divise pas la communauté, il en maintient au contraire la cohésion sociale.

4. L’expérience de Seva Mandir prête également à constater que les associations entre les villageois et la société civile (leurs interventions et modes de fonctionnement) les aident aussi à être relativement en position de force lors des négociations avec l’État et ses représentants. Le cas suivant renforce ou éclaircit l’argument selon lequel sachant qu’ils ont le choix, les gens prennent leurs décisions en toute connaissance de cause une fois qu’ils ont vu qu’il existait une alternative et qu’ils ont confiance en celle-ci.

Les habitants du village de Nayakheda ont refusé de travailler avec la Banque mondiale, ce qui aurait été plus lucratif, et ont préféré se tourner vers Seva Mandir. Ils jugeaient qu’à long terme, Seva Mandir ferait preuve d’une plus grande transparence et serait plus accessible.

Comment autonomiser la société civile?

Telle qu’elle est présentée dans cet article, la société civile est une entité de plus en plus reconnue en tant qu’actrice dans le domaine du développement. Les documents officiels qui émanent de l’État et des donateurs et qui prennent ces institutions en compte reflètent cette ­situation. Les éléments formateurs de la société civile se caractérisent par des ressources qui reposent sur des bases incertaines – tant du point de vue humain que financier. Il convient d’examiner attentivement cet aspect de manière à comprendre comment la société civile et son rôle sont définis et appréhendés.

L’État considère tout au plus ce secteur comme un instrument bon ­marché et efficace qui permet de mettre en place les programmes ­gouvernementaux. Comme on l’a vu avec le programme de gestion conjointe des forêts, la collaboration des ONG à la plupart des ­programmes est plus recherchée en théorie qu’en pratique. Pour les donateurs, ces organisations sont des entités éphémères qui se retirent une fois qu’elles ont autonomisé les gens, selon le principe qu’ils qualifient de «fournir et disparaître». De ce fait, il encourage dans le cadre de projets la création de partenariats (principalement à court terme) entre les donateurs et les institutions de la société civile, ce qui permet d’esquiver la question du financement de ces dernières.

Les investissements institutionnels sont cependant primordiaux dans ce secteur. Grâce à eux, la société civile est en mesure de se forger un espace au sein de la société, d’inciter les gens à faire plus confiance aux groupements dont elle se compose (que l’on considère capables d’expérimenter avec des idées et d’évoluer) et de leur permettre de s’engager à long terme en contrepartie de la sécurité économique qu’elle leur offre. Néanmoins, le manque de financements institutionnels et le paradigme selon lequel le développement est une fin en soi font des institutions de la société civile de simples «relais». Ces dernières ne reconnaissent alors plus les facteurs du processus de développement. Les gens qui se développent «véritablement» restent invisibles pour l’extérieur. Le débat sur le développement se retrouve par conséquent dissocié des questions qui relèvent des institutions de la société civile et dont l’impact sur l’aboutissement du développement est considérable.

En outre, l’argument qui souligne le rôle limité des groupements de la société propose des hypothèses simplistes concernant la vie rurale comme, par exemple, l’existence d’une solidarité sensée faciliter la formation de groupes ou encore l’empressement des gens à intervenir dans le développement et à en gérer les opérations. En fait, une description plus réaliste devrait prendre en compte les divisions sociales, les dynamiques internes et les possibilités limitées des pauvres dans les zones rurales.

Il est également essentiel de retenir qu’actuellement, la priorité est donnée aux financements à court terme, programmatiques et axés sur les résultats. Par conséquent, la mise en pratique de concepts comme la durabilité, l’autonomisation et la participation (qui par leur nature exigent d’être considérés dans une perspective à long terme) est ainsi contournée ou se limite à des gestes symboliques. Ceci est paradoxal quand on sait que le débat actuel sur ce thème met ces concepts en relief. Toutefois, les conditions nécessaires ne sont ni réunies de manière appropriée ni créées de façon à être mises en pratique.

Les stratégies

En partant des caractéristiques de la société civile qui viennent d’être décrites, je vais tenter de proposer une solution qui pourrait permettre aux intervenants (l’État, la société civile et les donateurs) d’autonomiser les institutions de la société civile. Le besoin de ce type d’institutions a été exposé dans la partie précédente.

La société civile a un rôle essentiel à jouer dans le processus de sa propre autonomisation. Pour que ce secteur s’étende et prospère, le défi qu’elle doit relever consiste à porter un regard sur elle-même et à dresser un bilan de la situation. Ce processus dévoilera également les lacunes de la société civile et les contraintes auxquelles elle est soumise.

L’actuel phénomène de croissance exponentielle des ONG a modifié la nature de leur administration. Autrefois, on associait la création d’une ONG à des personnes d’exception. Cependant, depuis quelques années, des gens «normaux» aux yeux de notre société fondent des ONG et les dirigent. Il est impressionnant de voir que, grâce à leur expérience, ces gens, issus de classes moyennes ordinaires et n’ayant pas forcément pu bénéficier d’une une bonne formation, ont acquis des compétences et savent comment générer un développement participatif. Néanmoins, il existe aussi un revers de la médaille à la prolifération des ONG: les pratiques, les normes et la culture associées à la croissance de ce secteur ne sont pas tout à fait conformes avec la notion d’une plus grande transparence à l’égard des pauvres et de la société en général. Les dirigeants des ONG, les réseaux de soutien, les donateurs internationaux et les fonctionnaires gouvernementaux à la recherche de solutions faciles sont enclins à ignorer les effets ­négatifs qu’entraîne l’expansion rapide de ce secteur.

Les problèmes causés par cette prolifération rapide ne représentent qu’une partie des défis auxquels les ONG doivent faire face. Alors que les identités ne sont jamais complètement établies et qu’elles changent en permanence, créant sans cesse des tensions, elles sont aujourd’hui les problèmes les plus importants auxquels ce secteur se trouve confronté. Les deux dernières décennies ont été marquées par de nombreuses mutations – pas uniquement dans le secteur des ONG. Dans ce contexte, les définitions traditionnelles des rôles/identités sont tombées en désuétude. Il est important de retenir que le type de personnes qui constituent majoritairement ce secteur a considérablement changé. Toutefois, la société continue à les considérer d’une manière qui, si elle convient aux pionniers dans ce domaine, est aujourd’hui totalement dépassée. De là proviennent largement les dissonances entre ce que le gouvernement, les donateurs et le public en général ­attendent de ce secteur et les résultats qu’il fournit.

Dans le contexte de la société en général, il est absolument crucial d’observer les gens qui prennent part au développement des pauvres. L’importance des résultats dans le domaine du développement fait de l’efficacité le critère d’évaluation le plus susceptible de prodiguer les avantages du développement, ce qui crée une opposition entre les notions de «professionnalisme» et de «non-professionnalisme». Les professionnels constituent une catégorie privilégiée formée dans des établissements d’enseignement réservés à «l’élite»; ils sont conscients et sûrs de la réussite des modèles/instruments de développement. Les non-professionnels sont les ouvriers de la classe moyenne émergente qui n’ont aucune connaissance de ces modèles et techniques, mais qui sont souvent forts d’une solide expérience pratique et qui sont présents en permanence. La modernisation, pour laquelle l’expertise est d’une importance capitale, exacerbe cette division et centralise le ­pouvoir dans le camp des professionnels.

Les non-professionnels qui arrivent dans ce secteur peinent sous le poids de l’insécurité et de l’inadéquation, facteurs dominants de leur situation socioéconomique, et s’ils cherchent à y trouver une place, c’est plus par nécessité que par choix. Les définitions limitées des notions de leadership et d’efficacité les aliènent encore plus et minent leur motivation et la conscience de leur valeur personnelle. L’instabilité sociale et les crises sociales potentielles résultent principalement de leur frustration ou de leur insatisfaction. Ceci est donc un problème capital pour toutes les institutions de la société civile. Si la forme la plus élémentaire de société civile est synonyme de «citoyenneté responsable», cette citoyenneté ne doit pas être réservée à certaines personnes. Si les gens qui se consacrent au développement sont uniquement des personnes «exceptionnelles» et «efficaces», la reproduction et la durabilité des modèles seront remises en question. Les professionnels sont peu nombreux à se diriger vers ce secteur, et quand c’est le cas, ils ne font qu’y transiter.

De plus, les gens qui travaillent dans ce secteur sont confrontés à une grille des salaires qui ne reflète pas leur valeur sur le marché. Ils doivent également faire face à la déchéance sociale qu’entraîne ce type d’activités. Leurs objectifs professionnels n’incluent généralement pas l’engagement dans une organisation (en particulier à la base) car ils souhaitent faire des expériences diverses et obtenir des postes à responsabilité qui amélioreront leur position sociale, leur offriront une meilleure rémunération et leur permettront d’approfondir leurs connaissances. Les professionnels attachent beaucoup de valeur à ces trois points car ils puisent généralement leur identité dans leur «travail». Pour qu’ils persévèrent sur leur voie, il est donc essentiel qu’ils aient le sentiment d’avoir un but, c’est-à-dire de contribuer à quelque chose, et l’efficacité, au sens propre du terme, joue ici peut-être un rôle primordial.

Seva Mandir tient compte du fait que ces tensions constituent un challenge à long terme. Dans notre domaine d’activité, nous avons tenté d’intégrer ces différents groupes de personnel et de créer un environnement de respect mutuel et de coopération. Nos efforts se concentrent sur les fossés qui les séparent et que nous tentons de combler en créant des liens basés sur une collaboration qui reconnaît la complémentarité des compétences. C’est à nos yeux une manière plus complète de s’engager dans le développement. Cependant, Seva Mandir ne peut se targuer d’avoir pleinement réussi car les changements profonds nécessaires qui exigent que l’on redéfinisse la notion du leadership requièrent un engagement à long terme. Les notions «d’efficacité» et de «forum pour tous les citoyens» créent elles aussi un dilemme. Chacune d’elle a sa propre valeur, et trouver un équilibre qui permette de les harmoniser est une tâche délicate. Le fait que les professionnels et les non-professionnels tirent leur motivation de sources différentes (pour les non-professionnels, le rapprochement social est primordial, tandis que pour les professionnels, les fruits tangibles de leur travail sont essentiels) est un rude défi pour une organisation si elle veut pratiquer une politique qui prend tous ces facteurs en ligne de compte. Une autre question, qui revient aujourd’hui sans cesse en ce qui concerne le développement, a rapport aux «histoires à succès» qui ont résulté de l’intervention d’institutions de la société civile dans ce domaine. Nous ne pouvons nier le besoin qui existe d’avoir des indicateurs pour évaluer la société civile. Toutefois, si l’on part du principe que ses organisations ont pour but de créer un capital social au niveau des villages et de le renforcer, il convient de redéfinir de la notion «d’histoires à succès». Ceci est primordial à la lumière du fait que la cohésion est d’une nature fragile et que bon nombre de forces extérieures souhaitent que la coopération ne prenne pas tant d’importance, à savoir qu’elles préfèrent les liens verticaux de dépendance aux liens horizontaux de solidarité.

L’évaluation du succès des interventions dans le domaine du développement est souvent subjective et dépend de la manière dont les indicateurs ont été définis. Si l’on compare par exemple Talai aux autres villages, les projets de développement, en particulier ceux qui sont liés aux herbages, ont été entièrement privatisés. À Talai, l’effondrement des systèmes traditionnels de protection, le problème des resquilleurs en ce qui concerne les contributions au financement du développement du village et la participation limitée de la communauté au maintien des lignes de délimitation illustrent les limites de la cohésion sociale. Par conséquent, que Talai soit considéré ou non comme une «réussite» dépend des indicateurs employés.

Dans notre secteur, il n’est pas rare de voir ou d’entendre parler d’ONG qui se disputent un même créneau et que finalement, l’une d’elles saute sur le train qu’une autre a mis en marche. C’est particulièrement le cas des projets dont on exige qu’ils fournissent des résultats en un temps donné. Ce problème a une incidence considérable sur la mise en place de systèmes sensés garantir la transparence des organisations de la société civile. Il conviendrait ici d’obtenir un consensus concernant un objectif plus général sur lequel les ONG pourraient axer leurs divers programmes et approches.

En ce qui concerne l’État, la collaboration avec les institutions de la ­société civile, comme la présentent les documents officiels, devrait s’accompagner de la création d’espaces réels/significatifs pour que la société civile puisse participer et définir son programme ainsi que le rythme auquel il doit se dérouler. En outre, pour qu’une collaboration soit fructueuse, les partenaires doivent être placés sur un pied d’égalité. La société civile dépend financièrement de l’État et risque de ne pas être en mesure de le remettre en question au-delà d’une certaine limite. En d’autres termes, si la société civile ne repose pas sur des bases autonomes, pour l’État, elle se bornera à fournir quelques prestations sociales de plus au lieu d’être un intervenant compensateur. Tels sont donc les arguments en faveur d’une société civile dotée de ses propres ressources.

Dans le présent débat, nous supposons que l’État est enclin à partager son pouvoir. Nous réalisons que la tâche est difficile, mais qu’elle peut être menée à bien si les deux intervenants y gagnent. Nous ­partons du principe que si l’État décentralise son contrôle, les citoyens disposeront de l’espace requis pour participer. À long terme, les gens réaliseront les avantages de l’autonomisation, ce qui renforcera la ­stabilité de l’État en tant que formation politique.

Le rôle des organisations de financement est crucial dans le processus de développement et de changement. Comme elles fournissent les ressources dont ce secteur a considérablement besoin, elles occupent une position stratégique pour la réalisation de changements et l’élaboration des programmes d’activités. Souvent, ces derniers ne reflètent pas la réalité complexe à la base. Ainsi, ils sont axés d’habitude sur la réalisation de la parité des sexes dans le cadre du soutien d’un projet quinquennal. Une telle approche ignore non seulement le contexte, l’étendue et la profondeur du problème mais aussi les changements d’attitude et la durée qui sont nécessaires à ces mutations. En outre, dans les pratiques de financement et dans les relations avec les ONG et autres organisations, on ignore le besoin d’un financement institutionnel durable. Il est dans la nature de ce type de financement à court terme et axé sur un projet que la participation à une activité ­particulière diminue à mesure que les priorités changent en matière de financement. Ces changements s’effectuent indépendamment des ­besoins et préoccupations locales.

La situation à la base indique que les gens ont principalement confiance dans les liens verticaux, même s’ils n’y gagnent pas grand-chose. Dans les efforts qu’elle fait pour réduire la pauvreté, la société civile doit modifier ces valeurs de base pour aider les communautés villageoises à prendre des «risques». En d’autres termes, ils doivent investir (ressources humaines, temps, argent) dans les domaines auxquels ils se consacrent. Ceci entérine également la nécessité d’avoir une société civile dotée de ressources suffisantes grâce à un financement complet et à une base solide.

Les financements complets, à long terme, axés sur les processus et destinés à être «investis» dans les gens peuvent jouer un rôle déterminant dans leur autonomisation. Pour Seva Mandir, c’est tout à fait juste car grâce à eux, cette organisation peut

  • entretenir des relations fructueuses de part et d’autre avec les communautés villageoises et assurer l’adéquation des investissements dans la création de capacités pour gérer ses interventions;
  • prendre des engagements à long terme vis-à-vis des gens, à la différence de ce qui se passe ordinairement lors du financement d’un projet. Ce type d’investissements à long terme permet également à l’organisation de pourvoir à la sécurité de l’emploi de son personnel, un facteur de motivation suffisamment important pour l’inciter à rester et à fournir un bon travail;
  • être plus flexible et mieux répondre aux mutations sur le terrain en prenant de nouvelles initiatives.

En raison du sentiment de sécurité que les institutions de la société civile procurent à leur personnel, ce dernier risque d’adopter une attitude suffisante ce qui pourrait résulter dans la pratique d’une approche de «mécénat», les institutions devenant ainsi les nouveaux «mécènes». À l’image d’autres organisations, les institutions de la société civile ne sont pas les meilleures garantes du bien-être des pauvres. Toutefois, en créant de puissantes institutions, des systèmes de surveillance et un équilibre des forces au niveau des villages, on peut compenser ces tendances.

Conclusion

Nous pouvons conclure que les pauvres ne sont pas en mesure de remettre en question leurs dirigeants, l’État ou ses représentants. L’État, lui, n’est pas enclin à modifier l’approche de «mécénat» qu’il pratique et à déléguer des pouvoirs, malgré les politiques créées dans ce sens (qui sont toutefois rarement mises en pratique). Il convient donc de chercher un nouveau paradigme de développement dans lequel la société civile jouera un rôle décisif. La société civile se trouve elle aussi confrontée à des problèmes qu’elle doit résoudre. Néanmoins, sa survie dépend actuellement des donateurs et de l’État. Il convient de mettre en place une stratégie de soutien à long terme qui offre un espace incontesté aux institutions de la société civile et leur donne vraiment l’occasion de provoquer des changements à la base.

 

1 Cet article a été rédigé par Poonam Abbi. Il se réfère largement aux expériences de Seva Mandir et à la documentation de cette organisation. L’auteur remercie M. Ajay Mehta, Mme Neelima Khetan, Mme Anuradha Vishwanath, Mme Shruti Chopra ainsi que ses collègues et amis de leur aimable collaboration.

2 Le bigha est l’unité de mesure traditionnelle de la superficie des terres. Il équivaut à un cinquième d’hectare.

3 1 USD = env. 40 INR (salaire journalier minimum: 48 roupies).

4 Terres à revenus: elles appartiennent au fisc.

5 Charnots: il s’agit de pâturages communautaires appartenant légalement au panchayat (conseil) du village – tous les villageois ont des droits sur ces terrains.

6 Zones forestières: elles sont détenues par le ministère des Forêts. Les habitants y ont des droits limités et bien définis.

7 Fonctionnaire du fisc.

8 Ces castes et tribus sont les groupes les plus défavorisés dans la structure sociale traditionnelle en Inde.

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