Anthony Okech

En avril 2005,1'IIZ/DW organisa au Cap une conférence sur le thème de la formation des éducateurs d'adultes en Afrique et dans la région Asie-Pacifique. Plus de cinquante éducateurs d'adultes venus d'Afrique, d'Asie et d'Europe y prirent part. La même année deux conférences régionales sur l'Afrique de l'Ouest et de l'Est approfondirent la question: au mois d'août se tint la conférence de Bamako qui se pencha sur la situation particulière de l'Afrique de l'Ouest francophone, tandis que la conférence qui se déroula en décembre à Bamako fut consacrée à l'Afrique de l'Est. Anthony Okech, de l'institut d'éducation des adultes et de formation continue de l'université Makerere (Ouganda), nous en présente un compte-rendu. L'HZ/DWa publié les principales communications de ces trois conférences dans le numéro 52 «La création de capacités et la formation des éducateurs d'adultes» de sa revue Perspectives internationales de l'éducation des adultes.

Formation des éducateurs d'adultes en Afrique de l'Est: quelques points à résoudre

Conjointement avec l'université de Nairobi, l'Institut de coopération internationale de la Confédération allemande d'éducation des adultes (IIZ/DW) a organisé en décembre 2005, à Nairobi une conférence sur le thème de la formation des éducateurs d'adultes dans les pays est-africains. Cette conférence a rassemblé des universitaires, spécialistes de l'éducation des adultes et de l'éducation communautaire, des membres du personnel de différents établissements proposant des formations dans le domaine de l'éducation des adultes et du développement communautaire, des fonctionnaires venus de ministères chargés de l'éducation des adultes et des représentants d'organisations non gouvernementales opérant, elles aussi, dans ce domaine.

La conférence avait pour objectif d'identifier les potentiels et occasions d'échanges, d'apprentissage et de coopérations futures dans les secteurs suivants: formation des éducateurs; développement de matériels d'enseignement et d'apprentissage; recherche et documentation. Les présentations et débats autour de ces trois thèmes soulevèrent tout un ensemble de questions. Cet article présente un certain nombre de ces points à résoudre.

Identifier l'éducateur d'adultes

L'un des participants, dont la spécialité n'était pas l'éducation des adultes, exprima son inquiétude sur ce qu'il avait eu l'occasion d'observer à la conférence. Il avait eu peine à comprendre que les experts, professionnels et praticiens de l'éducation des adultes réunis, parmi les plus éminents de la région, aient pu discuter aussi longuement sur des points aussi élémentaires que la nature de l'éducation des adultes et l'alphabétisation, ou encore la définition de l'éducateur d'adultes et du groupe cible de ce secteur de l'enseignement. Pour lui, ces questions devraient être posées par des gens que l'on introduit à l'éducation des adultes et non faire l'objet de débats entre experts et praticiens expérimentés dont certains travaillent depuis près de quatre décennies dans ce domaine. Il se demandait très probablement ce que ces gens ont bien pu enseigner ou pratiquer si, comme c'est apparemment le cas, ils n'ont pas de réponses claires à des questions aussi fondamentales concernant leur activité?

Le fait que les débats sur l'éducation des adultes ont peine à dépasser le stade des définitions créa effectivement un certain sentiment de gêne à la conférence. Toutefois, sans savoir clairement ce qu'est un éducateur d'adultes, on ne peut pas dire grand-chose sur la formation qu'il nécessite. En introduisant le sujet de la formation des éducateurs d'adultes, le professeur Macharia détailla un vaste éventail d'établissements qui éduquent des adultes au Kenya sans toutefois que leurs personnels ressentent la nécessité d'une formation en éducation des adultes du fait qu'ils ne se considèrent pas eux-mêmes comme des éducateurs d'adultes. Il souligna qu'il est nécessaire que les spécialistes de l'éducation des adultes définissent clairement leur domaine d'intervention, se concentrent sur lui et attirent par la suite ces autres professionnels pour qu'ils bénéficient d'une formation spécialisée leur permettant d'apprendre comment s'occuper d'adultes.

C'est par conséquent la réalité sur le terrain qui provoque le débat sur les définitions. La licence en vulgarisation agricole proposée par le collège d'agriculture Awassa de l'université Debub (Ethiopie) compte parmi les programmes de formation d'éducateurs d'adultes. Dans certains pays, par exemple en Ouganda, la formation des agents de vulgarisation agricole n'est pas considérée comme une formation d'éducateurs d'adultes bien que la filière de vulgarisation agricole de l'université Makerere comporte à présent aussi des cours sur les méthodes d'éducation des adultes. Il semblerait que les personnels des autres établissements ne soient pas les seuls à ne pas se considérer comme des éducateurs d'adultes: les spécialistes de l'éducation des adultes ont peine, dirait-on, à reconnaître par exemple que les formateurs en vulgarisation agricole ou les éducateurs de santé soient eux aussi es éducateurs d'adultes.

Les éducateurs d'adultes et le marché du travail

Les possibilités des éducateurs d'adultes qualifiés sur le marché du travail occupèrent aussi les participants à la conférence pendant un certain temps. Les remarques que fit le professeur Macharia lors de son introduction sur le thème de la formation des éducateurs d'adultes provoquèrent ce débat. Il fit observer qu'actuellement, l'éducation des adultes au Kenya est un «sujet refoulé» et qu'un programme de formation d'éducateurs d'adultes aurait de ce fait beaucoup de succès si seulement il était rattaché à une formation permettant de travailler par la suite dans le secteur de l'éducation formelle. Il recommanda par conséquent que les diplômes de formation en éducation des adultes soient intégrés dans le programme menant à la licence d'éducation pour que les personnes ayant suivi cette filière puissent travailler dans des établissements scolaires, dans le secteur de l'éducation des adultes et dans d'autres domaines spécialisés. Sans cela, déclara-t-il, le programme de formation d'éducateurs d'adultes se trouvera confronté à des problèmes.

Ce que suggère le professeur Macharia est actuellement déjà pratiqué dans un certain nombre d'universités africaines, entre autres dans l'une de la région: l'université de Dar es-Salaam. En même temps, l'approche dont il a indiqué qu'elle risquait d'entraîner des problèmes est celle utilisée en Ouganda, à l'université Makerere, où un programme de licence en éducation des adultes et en éducation communautaire est mené depuis plus de huit ans sans problème. Un nombre considérable de diplômés de ce programme ont trouvé du travail et occupent des positions en rapport avec la formation qu'ils ont suivi. En fait, ils sont nombreux à avoir repris leurs anciens emplois, certains en tant qu'enseignants. Toutefois, nombre d'entre eux occupent des positions dans lesquelles leur formation est profitable, par exemple quand ils sont agents de développement communautaire, responsables de la vulgarisation agricole ou agents de santé, ou quand ils occupent des emplois de ce type dans des communautés. Bien qu'aucune étude par traçage n'ait été entreprise, on a le sentiment à l'université Makerere que le programme d'éducation des adultes et d'éducation communautaire est viable et que l'avenir se présente bien pour ses diplômés, même si le programme n'est rattaché à aucune formation leur permettant d'enseigner dans des écoles. Comme dans le cas de nombreux autres programmes diplômants, il arrive qu'un certain nombre d'anciens étudiants se retrouvent au chômage pendant quelques temps. Le programme de l'université du Botswana en Afrique du Sud fournit lui aussi l'exemple d'un programme de ce type qui semble bien fonctionner.

Un participant d'Ethiopie avait l'impression qu'un programme comme celui mené à l'université Makerere met l'accent sur la méthode en la dissociant des contenus de l'enseignement. À son sens, la formation en éducation des adultes devrait avoir d'autres contenus en dehors de l'éducation des adultes pure et simple. Il conclut en disant qu'il serait par conséquent difficile de proposer des cursus portant uniquement sur l'éducation des adultes aux niveaux de la licence ou de la maîtrise. En restant sur cette voie, nombre d'universités proposent effectivement des cursus postgrades d'éducation des adultes, destinés à des gens déjà titulaires d'un premier diplôme dans d'autres spécialités. Ce premier diplôme leur donne «quelque chose à enseigner», tandis que le programme postgrade dispense les bases et la méthode professionnelles. Toutefois, un certain nombre de participants déclarèrent avoir le sentiment que proposer un cursus de maîtrise uniquement à des étudiants issus d'autres spécialités équivaudrait à rabaisser le statut de l'éducation des adultes en tant que discipline professionnelle à part entière, avec son propre corpus de connaissances.

Ce thème compta parmi ceux choisis pour être traités lors de discussions de groupes, puis examinés de manière plus détaillée durant les séances plénières. Finalement, les participants semblèrent reconnaître d'une manière générale la nécessité de faire évoluer l'éducation des adultes en tant que spécialité tout en diversifiant la formation des éducateurs d'adultes. Les contenus d'une formation diversifiée doivent répondre aux besoins des apprenants et ne peuvent pas être les mêmes pour tous les éducateurs d'adultes dans l'ensemble de la région.

Créer un équilibre entre la théorie et la pratique

On a souvent parlé du risque que comporte une formation universitaire tendant à être théorique et non pratique. Comme on pouvait s'y attendre, ce point fut soulevé à la conférence de Nairobi. Ce fut même l'un des sujets sur lesquels se penchèrent les groupes de discussion qui suggérèrent les moyens suivants pour rendre la formation plus pratique: rattachement à la pratique sur le terrain, pratique de l'enseignement, microenseignement, ateliers, études sur le terrain, projets de recherche et missions professionnelles pratiques. Les participants réalisèrent que les universités semblent être soumises à des contraintes inhérentes aux types de programmes qu'elles sont censées offrir et qui ont tendance à accorder beaucoup de poids à la discipline universitaire aux dépens de la pratique. Cette situation se répercute aussi sur la durée de telles études du fait que les étudiants doivent cumuler un certain nombre d'unités de valeur pour pouvoir passer leur diplôme. Ces unités de valeur s'obtiennent plus rapidement en suivant des cours qu'en effectuant des travaux pratiques. Par exemple, pour obtenir une unité de valeur à l'université Makerere, l'étudiant doit avoir cumulé 15 heures de contact. Alors qu'une heure de contact équivaut à une heure de cours, son obtention hors cours nécessite deux heures de travaux pratiques supervisés ou trois heures de travail sur le terrain. Pour réunir le nombre d'unités de valeur nécessaires afin de pouvoir passer un diplôme, il faut par conséquent plus se concentrer sur le nombre d'heures de cours que sur celui des travaux sur le terrain qui se trouvent, de ce fait, relégués à la période des vacances, au moment où les étudiants devraient pouvoir faire une pause. La conférence a par conséquent reconnu que l'on n'accordait pas suffisamment de temps au travail pratique.

Le financement inadapté du volet pratique entraîne lui aussi une restriction liée dans une certaine mesure à celle dont il vient d'être question étant donné que toutes deux sont dues au peu d'importance accordé au travail pratique. La plupart des formations offertes dans la région disposent de budgets extrêmement serrés. Dans une telle situation, si des réductions budgétaires sont entreprises, le travail pratique sera le premier à s'en ressentir. Lorsque l'institut d'éducation des adultes et de formation continue de l'université Makerere proposa un cursus menant au diplôme d'éducation des adultes et, plus tard, une filière permettant de passer une licence d'éducation des adultes et d'éducation communautaire, son administration fit bien comprendre que les nouveaux programmes ne devaient pas comporter de volets pratiques étant donné que le gouvernement n'était plus capable de les financer de manière adéquate. L'institut ne fut en mesure d'inclure un élément pratique dans ces deux programmes que grâce au soutien qu'il put obtenir de l'IIZ/DW. Heureusement, le programme diplômant fait à présent partie de ceux dont l'université finance le volet pratique grâce à des fonds provenant du gouvernement et d'autres sources.

L'impossibilité d'obtenir des financements adéquats pour équilibrer les volets théoriques et pratiques de la formation constitue une contrainte à laquelle d'autres établissements de la région doivent eux aussi faire face. Au terme de longs débats, la conférence semble être parvenue à la conclusion que l'absence de financements poussant à abandonner certains aspects de la formation vient du fait que les responsables chargés de mettre en œuvre ces programmes, ne réussissent pas à argumenter en leur faveur auprès des services compétents. La conférence a également jugé que les éducateurs ne devraient pas céder en ce qui concerne les éléments essentiels de leurs programmes et que le côté pratique est aussi essentiel que le côté théorique. Il n'y a pas de raison pour que des restrictions financières entraînent l'exclusion du volet pratique.

Selon la conférence, l'absence de moyens pour superviser le travail pratique se répercute elle aussi sur le volet pratique des programmes de formation. Ce manque de moyens est souvent dû à des effectifs de personnel insuffisants par rapport au nombre d'étudiants. Dans certains cas cette disproportion est trop élevée pour permettre une supervision adéquate du travail pratique. Le rapport étudiants-personnel dans le cursus de licence en éducation des adultes et en éducation communautaire à l'université était approximativement de quarante pour un durant l'année universitaire 2004/2005, des chiffres qui conviendraient plus au niveau de la scolarité primaire qu'à celui d'un programme de formation professionnelle. Cette situation empêche de permettre à plus d'une classe par an de travailler sur le terrain (pendant les grandes vacances). De ce fait, les étudiants n'acquièrent de l'expérience pratique qu'une seule fois durant leurs trois années d'études. Dans les universités, les formateurs manquent aussi de temps car pendant les vacances, ils font passer des examens et corrigent les copies, dans des délais souvent extrêmement courts, ce qui leur laisse très peu le loisir d'aller sur le terrain. Autrement, la plupart d'entre eux enseignent à plein temps durant les deux semestres de l'année universitaire.

Le manque de moyens pour superviser le travail pratique est aussi dû en partie au fait que nombre de ces formateurs d'éducateurs d'adultes n'ont eux-mêmes aucune expérience pratique. La plupart d'entre eux ont travaillé accessoirement sur le terrain, généralement dans le cadre de recherches, d'activités de conseil ou de soutien technique. Alors que de telles expériences ainsi que la lecture d'ouvrages leur ont permis de se faire une bonne idée de ce que devrait être un travail sur le terrain correctement mené, dans de nombreux cas, la supervision est sans conteste aussi pour eux une expérience qui peut très bien se passer, mais dont la réussite dépend parfois aussi en grande partie de la justesse des suppositions auxquelles ils se livrent. D'un autre côté, les superviseurs des établissements qui accueillent les étudiants devant effectuer des stages pratiques excellent souvent dans la pratique, mais ne savent pas vraiment se qu'exige l'université en ce qui concerne l'évaluation des résultats fournis par les stagiaires sur le terrain.

Par conséquent, trouver un juste équilibre entre la théorie et la pratique reste un grand défi pour les formateurs d'éducateurs d'adultes dans les universités. Bien que cette situation ne soit pas spécifique à l'éducation des adultes, le fait que nombre d'universités n'accordent pas grande importance à cette discipline fait qu'elle en pâtit plus que d'autres. Aucune université n'aurait dit à une faculté proposant une filière de formation d'enseignants du secondaire de ne pas se soucier du volet pratique, ce qui vaut également pour les études de médecine, de vulgarisation agricole ou d'ingénieur. Toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, l'administration universitaire peut dire à la section de formation d'éducateur d'adultes d'abandonner le volet pratique sans y voir quoi que ce soit d'illogique.

La formation des éducateurs d'adultes offerte dans des établissements d'un niveau moins élevé a plus de chances d'être mieux équilibrée des points de vue théorique et pratique, bien que l'on se soit plaint que les rôles y soient parfois renversés, certains établissements accordant trop de poids à la pratique, au détriment de la théorie. Sur le terrain, certains managers préfèrent cependant quelqu'un disposant d'une solide expérience pratique, même si ses connaissances théoriques sont restreintes. La formation des éducateurs d'adultes hors du circuit formel d'enseignement est peut-être la plus pratique et la plus pertinente du fait que les programmes sont souvent conçus pour répondre aux besoins spécifiques des apprenants et que les acquis sont immédiatement mis en application sur le terrain. Dans cette catégorie, la conférence cita les cours spécialisés de brève durée, les formations axées sur l'acquisition de compétences par la pratique et les formations d'agents de terrain tels que les alphabétiseurs. Un certain nombre d'ONG offrent ce type de formations. Certaines d'entre elles ont mis sur pied des unités de formation qui ont acquis une grande expérience pratique. Une évaluation des programmes d'alphabétisation en Ouganda recommande que les établissements publics et privés coopèrent pour maximiser les possibilités d'améliorer la qualité et l'efficacité de la formation des éducateurs d'adultes.

Coopération entre les établissements, meilleures pratiques et centres d'excellence

La conférence de Nairobi avait pour objectif d'identifier les possibilités et occasions d'échanges, d'apprentissage et de coopérations futures. La coopération entre les établissements fut donc l'un des thèmes importants de la conférence. L'IIZ/DW, son organisateur, envisageait la possibilité d'identifier les meilleures pratiques pour les faire partager aux participants et en tirer des enseignements. Il avait aussi l'idée d'identifier un ou plusieurs centres d'excellence dans le domaine de la formation des formateurs d'adultes et de les soutenir dans le but d'offrir dans la région des possibilités de formation d'un très bon niveau. L'institut examina aussi soigneusement la possibilité d'identifier un organisme/pays qui pourrait concevoir un programme d'éducation à distance (brevet, DEUG, licence, maîtrise) et en ferait profiter d'autres pays de la région. Plusieurs problèmes se firent jour lorsque ces idées furent abordées.

Les participants saluèrent avec enthousiasme l'idée de mettre sur pied des coopérations, mais ils se demandèrent immédiatement pourquoi les efforts entrepris dans ce sens n'avaient jamais mené à rien et pourquoi les réseaux et les coopérations entre établissements mis en œuvre avec enthousiasme ne pouvaient se maintenir. Il fut rappelé que les éducateurs d'adultes en Afrique de l'Est constituaient autrefois un cercle puissant, ce qui leur permettait d'organiser chaque année une conférence d'étude qui se tenait par roulement au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. Les participants qui avaient pris part à ces conférences rappelèrent à quel point elles avaient été profitables. Toutefois, elles cessèrent d'être organisées dans le courant des années soixante-dix. Vinrent ensuite les activités d'éducation des adultes sous la houlette du conseil interuniversitaire d'Afrique de l'Est, qui permirent à des éducateurs d'adultes des universités de ces trois pays de se rencontrer, de débattre de nombreux sujets d'importance et de présenter des articles sur certains aspects de leur discipline. Cette pratique finit elle aussi mystérieusement par disparaître. Il semble également que les établissements de la région ne soient pas communicatifs. Presque aucun d'eux n'a répondu au questionnaire de l'enquête financée par l'IIZ/DW sur la formation des éducateurs d'adultes. Cette enquête devait servir à la préparation de la conférence du Cap sur la formation des éducateurs d'adultes.

La communication, les réseaux et les coopérations presque inexistants entre les établissements ne s'expliquaient pas aisément. On ne savait pas si l'Afrique de l'Est était peut-être moins performante que d'autres régions dans ces domaines. Il fut toutefois annoncé à la conférence que le site Internet créé par l'IIZ/DW pour relier les établissements de formation en éducation des adultes sur le continent n'était pratiquement pas utilisé en raison des faibles réactions de ces établissements. Les raisons invoquées étaient entre autres les suivantes: mauvaise infrastructure et manque de ressources, ce qui n'est pas vraiment convaincant. Les établissements d'Afrique de l'Est, voire même de tout le continent africain, doivent sans aucun doute commencer à réfléchir mûrement à la question, sinon, les tentatives d'organiser des réseaux et des coopérations resteront toujours infructueuses. Malgré cette sombre situation, la conférence proposa un certain nombre de systèmes de coopération et créa un comité chargé de suivre les efforts entrepris pour établir et entretenir des liens entre les établissements de la région.

La création de centres de services ou de centres d'excellence desservant la région serait une forme de coopération particulière. La conférence s'attaqua à la définition des critères permettant d'évaluer les centres d'excellence et proposa les suivants: installations, équipements et matériels adéquats pour les différentes activités qu'un établissement déformation doit exercer; ressources humaines suffisantes et d'un haut niveau, disposant de beaucoup d'expérience dans l'éducation des adultes et d'une bonne organisation; volonté de rétablissement de coopérer de la sorte. Une telle coopération devrait tenir compte des points communs entre les établissements partenaires et de leur proximité pour faciliter les contacts. On suggéra par conséquent de diviser la région en deux: l'Afrique de l'Est et la Corne de l'Afrique. Ces deux sous-régions auraient un centre tout en étant reliées entre elles et en produisant des synergies. Les établissements d'une sous-région auraient plus d'intérêts communs, ce qui engendrerait une coopération plus active.

D'un autre côté, il apparut à la conférence que les besoins et la situation différaient selon les pays. Il convient par conséquent de procéder avec soin lorsque l'on envisage la création d'un programme d'éducation à distance devant être mis en place dans plusieurs pays. Au terme de ce débat, il fut recommandé que chaque pays choisisse le type de programme d'éducation à distance dont il a besoin et examine les ressources à sa disposition pour le concevoir. Les matériels d'éducation à distance devraient être rédigés conjointement, et il conviendrait pour cela de mettre à profit l'expertise de certains pays de la région dans ce domaine. On pourrait aussi définir des modalités de partage de ces matériels.

Durant les débats sur la coopération entre établissements, la question du lien entre l'éducation des adultes/non formelle et l'éducation formelle fut inévitablement soulevée; un point qui semble revenir dans tous les pays, principalement du fait que les participants à l'éducation des adultes souhaiteraient pouvoir obtenir des diplômes formels, reconnus sur le marché du travail. L'on pense généralement que pour être reconnus, les diplômes obtenus dans les filières d'éducation des adultes doivent être amenés au même niveau que ceux de l'éducation formelle. Pour cela, il faut créer un cadre de qualifications de manière à ce que les adultes n'aient pas à suivre les mêmes cours et à passer les mêmes examens que les enfants dans le secteur formel, mais puissent obtenir un diplôme équivalent tout en suivant un programme mieux adapté à leurs besoins. Au moment de la conférence, le Kenya et l'Ouganda travaillaient à l'élaboration de tels cadres de qualification. Le Kenya souhaiterait disposer d'un cadre similaire à celui en place en Afrique du Sud (modèle d'éducation de base et de formation des adultes).

Recherche et documentation

Lors du discours liminaire tenu à la conférence, il fut dit que l'enquête financée par l'II Z/DW avait révélé que peu de recherches étaient entreprises dans le domaine de l'éducation des adultes en Afrique anglophone. Les participants à la conférence de Nairobi s'accordèrent à dire que cette situation touchait particulièrement l'Afrique de l'Est. Initialement, ils avaient eu le sentiment que l'Ouganda était en avance en matière de recherche. Bien que ce soit le cas par rapport à d'autres pays, les recherches entreprises en Ouganda n'en restent pas moins inadaptées.

Dans son introduction sur la recherche et la documentation, Anthony Okech de l'université Makerere (Ouganda), expliqua que dans les recherches, de quelque nature qu'elles aient été, priorité avait été donnée aux besoins immédiats en matière de programmes. Par le fait, on s'était principalement attaché à réaliser des enquêtes pour évaluer les besoins en éducation des adultes, notamment en alphabétisation; M. Okech a d'ailleurs lui-même effectué plus de dix enquêtes de ce type pour le compte du gouvernement, de divers organismes et d'organisations non gouvernementales. L'évaluation des programmes d'éducation des adultes fait partie, elle aussi, des principales activités de recherche en Ouganda. L'évaluation des programmes d'alphabétisation des adultes de 1999, dont on a beaucoup parlé et qui fut publiée en 2001 par la Banque mondiale, compte parmi elles. Des recherches ont également été entreprises pour des thèses de doctorat, toutefois très peu fréquemment puisque l'on n'en dénombre que trois ou quatre. Les éducateurs d'adultes ougandais ont par conséquent toujours le sentiment qu'un grand fossé reste à combler, qu'il faudrait mener plus de recherches fondamentales sur différents aspects de l'éducation et entreprendre des recherches-actions pour améliorer la théorie et la pratique.

Un certain nombre de recherches sur divers aspects de l'éducation des adultes ont également été effectuées en Tanzanie et, à moindre échelle, au Kenya. Néanmoins, le fait qu'elles soient peut accessibles soulève des inquiétudes. Il est difficile d'évaluer de manière précise le stade où elles en sont car il n'existe que peu de possibilités d'échanges et aucune base de données permettant de les consulter. La conférence suggéra par conséquent entre autres qu'il sera nécessaire à l'avenir de créer des possibilités et des forums de documentation scientifiques permettant de diffuser les résultats de ces recherches.

La conférence se pencha aussi sur les manières d'étendre la recherche dans la région. Dans son introduction sur ce thème, Anthony Okech examina les répercussions de l'absence de recherches pour les universitaires du secteur de l'éducation des adultes («publier ou périr») et pour la pertinence et la qualité de l'éducation offerte aux adultes. Selon lui, le fait que l'éducation des adultes ne soit pas très en vue dans les universités est partiellement dû à l'absence flagrante de recherches de grande portée dans ce domaine. L'éducation des adultes, expliqua-t-il, pourrait dans l'ensemble profiter d'un élargissement de la recherche, ce qui non seulement améliorerait sa pertinence et sa qualité, mais permettrait aussi d'argumenter en sa faveur. La conférence adopta les propositions, émises par le professeur Obonyo Digolo de la faculté d'éducation de l'université de Nairobi, d'un calendrier de recherches comportant quatorze points, en reconnaissant parmi les activités de suivi les plus urgentes la nécessité de créer des capacités dans le domaine de la recherche.

Avancer

Nombre de participants virent dans la conférence de Nairobi une étape décisive pour l'éducation des adultes en Afrique de l'Est. Bien qu'ils soient voisins, les contacts entre eux étaient rares auparavant. Dès lors, il n'est pas surprenant que certaines questions élémentaires aient été soulevées. Pour les tirer au clair de manière plus approfondie, il convient d'élargir l'interaction et les échanges d'idées et d'expériences. Il fut par conséquent proposé d'organiser une conférence annuelle sur l'éducation des adultes, de créer des programmes d'échanges universitaires et un réseau d'établissements et d'organisations d'éducation des adultes de la région.

Trouver une définition de l'éducation des adultes n'est pas forcément d'une importance considérable pour tous les établissements. Bien que chaque pays ait incontestablement des besoins et caractéristiques qui lui sont propres et nécessitent une attention particulière, l'éducation des adultes, en tant que profession et discipline, ne sera puissante que si elle dispose d'une base commune lui permettant de se développer globalement. Il est difficile pour les éducateurs d'adultes de parler d'une seule voix et d'influencer positivement l'opinion locale et internationale si chacun voit quelque chose d'autre dans l'éducation des adultes. Dans une telle situation, il est difficile de parler de la formation des formateurs d'adultes, de la conception de matériels d'éducation des adultes ou de recherche en éducation des adultes, et de les planifier.

Espérons que ce projet lancé avec enthousiasme ne disparaîtra pas prématurément comme bien d'autres avant lui. Toutes les universités et organisations devront relever le défi principal que pose l'absence de communication si elles veulent que les réseaux et coopérations puissent se développer suffisamment pour porter leurs fruits. La formation en éducation des adultes profitera considérablement de cette démarche si la conférence de Nairobi s'avère être le début d'une mise en place à long terme de réseaux et de coopérations. Alors pourrons-nous peut-être trouver des réponses plus claires aux questions qui y ont été soulevées.

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