Agnes Pessima

La guerre civile qui a duré pendant onze ans en Sierra Leone a fait de ce pays l’un des plus pauvres du monde avec l’un des plus forts taux d’analphabétisme. L’éducation ne comptait pas, la population devait se battre pour survivre. La guerre a détruit le système éducatif en cours de création après l’époque coloniale. Malgré les efforts entrepris par le gouvernement après la guerre pour créer un nouveau système d’éducation, le vide créé par le conflit n’a pas pu être comblé. De nombreuses ONG opérant dans le secteur de l’éducation s’efforcent de réduire le pourcentage d’analphabétisme élevé. DVV International a formé 25 années durant des éducateurs d’adultes dans le pays. L’article que nous vous présentons sur la situation actuelle en Sierra Leone est signé Agnes Pessima. Depuis 1985, elle est organisatrice et administratrice de la section d’études extra-muros de l’institut d’éducation des adultes où elle a jusqu’à ce jour mis sur pied une foule de programmes d’éducation des adultes, de conférences, de séminaires et d’ateliers, et où elle enseigne aussi actuellement.

Analphabétisme de l’après-guerre: la crise de l’éducation des adultes en Sierra Leone

L’éducation existait déjà en Sierra Leone avant l’apparition de l’éducation de type occidental. Elle était dispensée sur des modes tant formel qu’informel. L’éducation informelle se déroulait à la maison et au sein de la communauté quand les enfants apprenaient de leurs parents, des membres de leur famille et de leur communauté, et de leurs pairs. L’éducation formelle avait lieu quant à elle dans des lieux à l’écart, principalement dans les bois sacrés des sociétés secrètes.

Ce type d’éducation était pertinent pour ses bénéficiaires qu’il dotait de compétences et de connaissances leur permettant de subvenir à leurs besoins, de défendre leurs communautés et d’apprendre des valeurs sociétales et des codes de conduite (Bown et Tomori, 1979). Avec l’éducation traditionnelle, il n’y avait pas de problème d’analphabétisme étant donné que le système s’appuyait largement sur la transmission orale et que l’éducation était particulière au lieu où on la dispensait.

L’époque coloniale

À l’époque coloniale, l’éducation de type occidental fit son apparition. Initialement réservée à quelques élus, elle fut plus tard destinée à tous ceux qui voulaient apprendre. Toutefois, elle était calquée sur le modèle de l’école secondaire qui ne convenait pas à tout le mon-de. Ceux qui s’arrangeaient avec ce système devenaient employés, ministres du culte, enseignants, etc. Cette éducation occidentale fut encouragée en Sierra Leone; de jeunes Africains étaient formés à l’African Institution1 en Grande-Bretagne comme instituteurs pour la Sierra Leone. Les missionnaires s’intéressaient eux aussi à l’éducation des gens. L’un de leurs objectifs consistait à éloigner les enfants des

«coutumes et pratiques vicieuses de leurs parents et compatriotes. L’éducation adoucit les manières des élèves et les aide à adopter des coutumes étrangères» (Summer, 1963).

L’indépendance

Après l’indépendance, l’éducation de type occidental continua d’être pratiquée. Toutefois, au fil des décennies, les pédagogues dans le pays remarquèrent qu’elle n’était pas adaptée à notre société.

Ce type d’éducation produisait un niveau d’instruction relativement élevé, mais les diplômés n’étaient pas préparés à affronter le monde du travail. Cette situation provoqua une crise du fait du déséquilibre entre la capacité productive du système de l'éducation et la capacité d'absorption du marché du travail, principalement parce qu'il y avait peu d'emplois et que les futurs employés ne disposaient pas des compétences professionnelles nécessaires. L'éducation devint de plus en plus chère, dans ce pays à faibles revenus où 88 % de la population vivaient dans la pauvreté (PNUD, 1995), et une évaluation de l'éducation de base réalisée en 1998 par l'UNICEF révéla que sur 45 enfants qui avaient été scolarisés dans le primaire, 9 entraient au secondaire et 1 seul allait jusqu'à l'enseignement supérieur. Ceci illustre le fort pourcentage d'abandon, caractéristique du système et explique pourquoi la Stratégie globale a situé le taux d'alphabétisation des personnes âgées de 15 ans et plus à 20 % en 1996 (MEST, 1996). 

Marché á Freetown Source: Agnes Pessima

Le mécontentement à l’égard du système provoqua un désir de changement. Ayant adopté un nouveau système d’éducation qui répondait à leurs besoins, le Ghana et le Nigeria étaient déjà en avance sur la Sierra Leone. Au départ, on chercha à adapter ce système aux besoins locaux de la Sierra Leone en créant le programme intitulé Harmonized Higher Teachers Certificate (HTC, un diplôme d’enseignant) pour le développement de la communauté rurale (1976). Il fut pour la première fois introduit au centre de formation pédagogique de Bunumbu avant d’être étendu plus tard à d’autres établissements de ce type. Le système d’éducation de type 6-3-3-4 fut introduit en 1993: il offre neuf ans d’éducation de base à tous ceux qui intègrent le système d’éducation, à savoir six ans d’enseignement primaire et trois ans d’études secondaires au collège. Pour mettre en place le système des 6-3-3-4 ans, les structures suivantes furent créées: éducation préprimaire pour les enfants de 3 à 6 ans, éducation primaire pour les 6-12 ans, études secondaires pour les jeunes de 12 ans et plus consistant en 3 ans de collège (Junior Secondary School, JSS) et trois ans de lycée (Senior Secondary School, SSS), d’enseignement technique/professionnel et d’enseignement supérieur/ troisième cycle à présent dispensé par deux universités (l’université de Sierra Leone et l’université de Njala) et des collèges universitaires. La Commission nationale pour l’éducation de base fut ensuite créée en 1994 pour s’attaquer au problème de l’analphabétisme et de l’absence d’instruction de base au sein de la majeure partie de la population sierra-léonaise.

La guerre

Durant la guerre, de nombreux enfants en âge de scolarité furent enlevés et soumis à un entraînement qui fit d’eux des enfants-soldats. Nombre d’entre eux perdirent la vie. Les droits des enfants furent gravement violés à cette époque, notamment celui «à une meilleure éducation et à un meilleur niveau de vie». La guerre interrompit l’éducation de beaucoup d’enfants qu’elle arracha à leur environnement familier, les contraignant à partir s’installer dans des camps de réfugiés à l’intérieur du pays ou dans des pays limitrophes. Hormis le mal qu’elle fit aux enfants, la guerre dévasta aussi sérieusement le système de l’éducation. Elle détruisit 80 % des infrastructures éducatives dans tout le pays. Les matériels d’enseignement et d’apprentissage furent eux aussi la proie de saccages (MEST, 2001).

Le déplacement massif de populations affectées par la guerre vers des régions plus sûres exerça une forte pression sur le système éducatif. La plupart des écoles se mirent à fonctionner en journées doubles. En outre, des structures improvisées furent créées dans les camps pour permettre d’éduquer les enfants déplacés. Malgré ces mesures, beaucoup d’enfants cessèrent d’aller à l’école, car ils se retrouvèrent pris par les questions du «pain et du beurre» (de la survie au quotidien). Pour ces enfants affamés, l’école n’offrait aucun réconfort. Par conséquent, des centaines d’enfants descendirent mendier dans les rues pour aider leurs parents à se procurer la nourriture pour les repas quotidiens. De plus, dans certaines régions du pays, notamment à l’est, le système éducatif se retrouva paralysé. Par conséquent, pendant les dix années que dura la guerre, l’analphabétisme s’accrut en Sierra Leone.

Après la guerre

Le gouvernement prit des mesures positives pour remédier à la crise de l’éducation après la guerre. Elles étaient les suivantes:

  • Introduction de l’éducation primaire gratuite à partir de l’année scolaire 1999/2000 (un an avant la fin de la guerre) dans les classes 1 à 3 et extension de ce système aux classes 4 à 6 à partir de l’année scolaire 2001/2002.
  • Création du programme éducatif de réponse rapide (PREP) pour faciliter la rescolarisation au sein du système formel des enfants entre dix et treize ans en rupture de scolarité. Le programme durait cinq mois, au terme desquels les enfants réintégraient le système scolaire formel.
  • Création du programme éducatif rapide complémentaire pour l’école primaire (CREPS) afin de permettre à des enfants normalement trop âgés de réintégrer l’école primaire. Le programme d’enseignement primaire d’ordinaire étalé sur six ans fut pour cela condensé en trois ans.
  • Introduction du programme non formel d’enseignement primaire (NEPE) destiné aux enfants sans accès à la scolarité primaire formelle. Ce programme se concentre sur l’alphabétisation, l’enseignement du calcul et la formation professionnelle, certains enfants éveillés intégrant des écoles primaires.
  • Création de cours d’alphabétisation des adultes pour des jeunes plus âgés et des adultes.
  • Mesures gouvernementales massives de réhabilitation et de reconstruction d’écoles. (MEST, 2001)

Malgré les efforts du gouvernement, 35 % des enfants en âge d’être scolarisés étaient toujours en rupture de scolarité en 2005 (Education Sector Report, 2005). Nombre de ceux qui avaient abandonné l’école étaient retombés dans l’analphabétisme. Certains n’avaient même jamais eu la possibilité de s’inscrire dans le secteur formel de l’éducation du fait qu’ils étaient nés durant la guerre. Ils ont tous grossi les rangs des analphabètes dans le pays. Un grand nombre d’entre eux se trouvent dans des zones urbaines où ils gagnent leur vie. Le fait est que beaucoup de ces jeunes ont réalisé qu’ils peuvent gagner de l’argent en se passant d’éducation formelle et ne sont pas enclins à se remettre à peiner au sein du système formel, les fruits d’une telle éducation ne se récoltant que plus tard et non dans l’immédiat. En outre, nombre de parents dans les foyers démunis comptent à présent sur la part que contribuent leurs enfants aux revenus familiaux. L’éducation des adultes est devenue le circuit qui convient le mieux pour améliorer l’instruction de ces enfants et de ces jeunes, et leur permettre d’acquérir des compétences pertinentes.

Nombre des personnes déplacées à l’intérieur du pays et de celles qui craignaient la guerre ont cherché refuge à Freetown, la capitale de la Sierra Leone. Résultat: la population de la ville a augmenté de quelque 40 % (Statistics Sierra Leone, 2004) depuis le déclenchement du conflit. Bien que la guerre soit terminée, les jeunes et les adultes ne cessent de migrer vers la capitale. Étant donné que beaucoup d’entre eux sont analphabètes et sans qualifications, ils peuvent seulement exercer des activités dans le secteur informel où il n’est pas nécessaire d’avoir de l’instruction ou des compétences professionnelles pour gagner de l’argent.

On voit ces jeunes et ces enfants dans des zones commerciales de la ville, principalement dans les lieux suivants: Eastern Police, Shell Lorry Park, Bombay Street et Dan Street Lorry Park, situé à l’est de la ville, Lumley Market, George Brook et Aberdeen Market à l’ouest, et Model Junction, Ecowas Street et Congo Market dans le centre de Freetown.

Ces quartiers sont très commerciaux et hautement fréquentés par des marchands ambulants durant la journée.

Une enquête a été réalisée pour vérifier le niveau d’alphabétisation des jeunes dans ces quartiers. Soixante questionnaires structurés de seize questions furent utilisés pour interroger 59 personnes. Un questionnaire fut perdu. Les informations démographiques sont indiquées dans les tableaux, le reste des résultats étant exposé sous forme narrative.

Sexe des personnes interrogées

Tableau 1: répartition par sexes

Sexe Nombre 
Masculin  24 40,7
Féminin  35 59,3
Total   59 100

Source: réalisé d’après le questionnaire.

Comme c’est le cas d’ordinaire, les filles en rupture de scolarité sont plus nombreuses que les garçons. Dans les dix endroits choisis pour l’enquête, les femmes étaient plus nombreuses que les hommes, ce qui se reflète dans les pourcentages par sexes des personnes interrogées.

Âge des personnes interrogées

Tableau 2: répartition par âges

Âge Hommes Femmes Total 
10-15 12 7 1932,2
16-20  7 17 2440,7 
21-25  5 11 1627,1 
Total  24 35 59100 

Source: réalisé d’après le questionnaire.

Parmi les personnes interrogées, les jeunes en âge d’être scolarisés dans le secondaire étaient plus nombreux; ils étaient suivis par les enfants en âge de scolarité primaire. Les parents comptent sur le travail de ces enfants pour compléter les revenus familiaux. Dans la plupart des cas, les jeunes contrôlent leurs propres finances.

Situation de famille

Tableau 3: répartition en fonction de la situation de famille

Situation de famille  Hommes  Femmes  Total  %
Marié  4 8 12 20,3
Célibataire  17 20 37 62,7
Divorcé  - 2 2 3,4
Séparé  - 2 2 3,4
Veuve/veuf  - 1 1 1,7
Pas de réponse  3 1 1 6,8
Non applicable   1 1 1,7
Total  24 35 59 100

 

Source: réalisé d’après le questionnaire.

Étant donné que les personnes interrogées n’allaient pas à l’école, on s’enquit de leur situation de famille. Cet aspect fut pris en ligne de compte en raison de la tendance à marier à un jeune âge tant les filles que les garçons, tant qu’ils ne sont pas scolarisés. Leur situation de famille est déterminante quant à leur possibilité de participer à des programmes d’éducation des adultes conçus pour améliorer leur situation présente. Le tableau montre que la majorité des personnes interrogées étaient célibataires. Un certain nombre de celles du groupe des 10-15 ans furent classées dans la catégorie des célibataires. Une personne était trop jeune pour être mariée.

Régions d’origine

Tableau 4: répartition par régions d’origine

 RégionHommes Femmes Total 
 Nord 10 11 21 35,6
 Sud 3 9 12 20,3
 Est 4 5 9 15,3
 Ouest 7 10 17 28,8
 Total 24 35 59 100

Source: réalisé d’après le questionnaire.

Le tableau indique que la majorité des personnes interrogées venaient du nord. Il est comparativement plus facile de se rendre à Freetown, située à l’ouest, en partant du nord, ce qui est aussi relativement meilleur marché que lorsque l’on vient du sud et de l’est. La région ouest indiquée dans le tableau comprend également les zones rurales de l’ouest du pays.

Soit les personnes interrogées étaient arrivées à différentes époques entre 1990 et 2007, 14 (23,7 %) durant la guerre, 32 (52 %) après, soit elles étaient nées à Freetown comme c’était le cas de trois d’entre elles (5 %).

Étant donné que la majorité des personnes interrogées étaient en âge de scolarité, on leur demanda si elles avaient déjà été scolarisées. 41 d’entre elles (69,5 %) étaient allées à l’école pendant un certain temps et 18 (30,5 %) n’avaient jamais été scolarisées. Ces dernières déclarèrent que soit leurs parents n’avaient pas d’argent pour financer leur scolarité, soit leurs parents étaient décédés et elles n’étaient pas elles-mêmes en mesure de payer les frais scolaires. Dans les deux cas, le manque d’argent était responsable du fait qu’elles n’allaient pas à l’école. Les personnes interrogées qui avaient été scolarisées par le passé avaient quitté l’école à différents stades, à savoir des classes 3-6 du primaire aux classes 1-3 (JSS) du secondaire. Une des personnes interrogées avait poussé ses études jusqu’à la fin du lycée (SSS 3), l’équivalent du sixth form britannique, c’est-à-dire des classes de première et de terminale. Outre le manque d’argent, les enlèvements d’enfants pendant la guerre comptaient parmi les raisons qui avaient empêché certaines des personnes interrogées d’aller à l’école. À ces raisons venaient s’ajouter pour les filles les grossesses et les mariages forcés.

Une fois en rupture de scolarité, ces jeunes se consacraient à diverses activités génératrices de revenus, généralement des emplois non qualifiés comme ceux de laveurs de voitures, de porteurs de bagages, de vendeurs de fruits ou d’eau fraîche, ou de domestiques. Les autres travaillaient comme vendeurs de marchandises variées, d’ustensiles de cuisine, de confiseries, etc. Malgré le nombre de celles qui gagnaient de l’argent, 7 des personnes interrogées (11,9 %) déclarèrent n’exercer aucune activité professionnelle. Parmi celles qui travaillaient, certaines disposaient de qualifications professionnelles, par exemple en tant que cordonnier (1), chauffeur (1), teinturier au gara (1). Le prix des marchandises vendues variait entre 100 et 5 000 leones, et les bénéfices oscillaient entre 1 000 et 20 000 leones. Les plus âgés parmi ces jeunes employaient les bénéfices pour subvenir à leurs besoins (4, soit 6,8 %) et à ceux de leurs frères et sœurs (6, soit 10 %). Parmi les personnes interrogées, quatorze jeunes (23,7 %) admirent tout simplement s’occuper et se débrouiller pour subvenir à leurs besoins sans rien demander aux membres de leurs familles. Parmi les 10-15 ans, quelques-uns remettaient leurs bénéfices à leurs parents, d'autres les gardaient. Le reste des personnes interrogées indiqua les montants de leurs bénéfices variant de sommes aussi maigres que 500 leones et pouvant aller jusqu'à 20 000 leones.

Vendeur dans les rues de Freetown Source: Agnes Pessima

 

On demanda ensuite à ces jeunes s’ils souhaitaient retourner à l’école. 45 d’entre eux (76,3 %) répondirent par l’affirmative alors que 14 (23,7 %) fournirent une réponse négative. Ceux qui avaient dit qu’ils refuseraient expliquèrent que soit ils étaient trop grands pour retourner à l’école, soit ils étaient à présent mariés. Chose intéressante, 54 des personnes interrogées (91,5 %) étaient plutôt enclines à acquérir une qualification professionnelle alors que 5 d’entre elles (8,5 %) étaient satisfaites de ce qu’elles faisaient. Les personnes interrogées déclarèrent avoir envie d’acquérir entre autres des qualifications dans les métiers suivants: charpenterie, coiffure, teinturerie au gara, couture, mécanique automobile, restauration, profession d’infirmière, fabrication de savon, etc. Quand on demanda à ces jeunes ce qu’ils préféraient, 46 d’entre eux (22 %) se prononcèrent en faveur d’une formation à plein temps et 13 (78 %) exprimèrent qu’ils étaient contre du fait qu’ils ne souhaitaient pas abandonner leurs présentes activités professionnelles, car ils n’avaient aucun moyen de subvenir autrement à leurs besoins. D’autres répondirent qu’ils devaient s’occuper de leurs enfants. Une femme répondit que son mari ne le lui donnerait pas la permission.

La crise

L’éducation des adultes pourrait être la réponse qui convient dans la situation présentée ci-dessus. Bown et Tomori (1979:14) en donne la plus brève définition: «toute éducation dispensée à des personnes adultes». Rogers (1992: 20) constate en outre que l’éducation des adultes consiste à

«offrir aux adultes des possibilités de s’instruire. Elle recouvre toutes les formes d’éducation planifiées et systématiques dont bénéficient les adultes durant leur vie».

Elle est souple et permet aux participants de choisir ce qu’ils veulent apprendre.

Elle donne aux individus les moyens de se faire embaucher ou de se créer leurs propres emplois. Du fait que l’UNESCO attache beaucoup d’importance à l’alphabétisation fonctionnelle, bon nombre de programmes de formation professionnelle en Sierra Leone comportent à présent des volets d’alphabétisation et d’enseignement du calcul de façon à permettre aux bénéficiaires d’être bien préparés et par conséquent de travailler encore mieux.

Le sixième paragraphe du Cadre d’action de Dakar (2000) constate que «l’on peut répondre aux besoins éducatifs de base de tous et qu’il est urgent de le faire». Dans le contexte sierra-léonais, «tous» s’applique aux 35 % d’enfants en âge de scolarité qui ne sont pas scolarisés (MEST, 2005), aux 75,6 % de femmes analphabètes et aux 53,1 % d’hommes analphabètes (PNUD, 2006).

L’éducation des adultes peut relever ce défi, car ses programmes sont de courte durée et axés sur les apprenants. Une fois sa formation terminée, le bénéficiaire met immédiatement ses nouvelles connaissances ou compétences en pratique soit pour se faire embaucher, soit pour se créer son propre emploi.

Plusieurs facteurs entrent ici en jeu: les possibilités offertes de s’éduquer, la disponibilité d’animateurs formés et leur rémunération, la disponibilité d’apprenants pour participer aux programmes.

En Sierra Leone, l’éducation des adultes est principalement dispensée par des organisations non gouvernementales (ONG) dont quelques-unes bénéficient de financements publics. Reste la nécessité pour le gouvernement de s’engager pleinement dans ce secteur. Les subventions gouvernementales à l’éducation des adultes équivalaient au moment de la rédaction de cet article à moins d’un pour cent du budget national de l’éducation. Les organisations internationales ont quant à elles financé des programmes d’éducation des adultes en Sierra Leone. Il s’agit entre autres des organisations suivantes: dvvinternational, qui a fourni un soutien financier pendant vingt-cinq ans à l’éducation des adultes sierra-léonaise, tant aux niveaux gouvernemental que non gouvernemental, OXFAM (Grande-Bretagne), Action Aid, FORUT, GOAL Irlande et CAUSE Canada. Les organisations locales sont quant à elles entre autres les suivantes: l’Association sierra-léonaise pour l’éducation des adultes (SLADEA), l’Association éducative sierra-léonaise du peuple (PEA-SL), le Forum des pédagogues africaines et une foule d’ONG locales réparties dans tout le pays. Plusieurs organisations locales d’éducation des adultes furent créées après la guerre pour s’occuper des anciens combattants, des victimes de la guerre et des jeunes en rupture de scolarité. Toutefois, le problème que constituent ces derniers n’a pas été résolu du fait de l’incessante migration de la jeune population vers Freetown, la capitale, ou les chefs-lieux des districts.

Le gouvernement doit soutenir les efforts des ONG en créant, dans un premier temps, davantage d’établissements d’éducation des adultes, et en mettant en place des programmes visant à sensibiliser les bénéficiaires potentiels à faire bon usage de telles possibilités. Ils doivent savoir qu’ils peuvent améliorer leur situation en suivant des formations professionnelles par le biais de l’éducation des adultes. Ceci implique aussi un plus grand engagement financier de la part du gouvernement. Il y a aussi le problème de la formation des animateurs. Des programmes de formation accélérée pourraient être organisés pour certains jeunes parmi ceux, nombreux, qui ont achevé leur scolarité et se retrouvent au chômage. Ils pourraient être formés pour devenir éducateurs d’adultes, une formation complétée de temps à autres par des stages durant le travail et des cours de recyclage.

Durant les vingt-cinq ans de coopération de dvv-international avec des prestataires sierra-léonais de services d’éducation des adultes, plus de mille éducateurs d’adultes ont été formés à la Division d’éducation des adultes, au Bay College, à l’université de Sierra Leone et dans différents autres établissements dans le cadre de formations accélérées financées par dvv-international par l’intermédiaire des autres partenaires sierra-léonais dans le domaine de l’éducation des adultes. Néanmoins des animateurs non qualifiés continuent de gérer des programmes d’éducation des adultes, car dans le pays, le personnel qualifié n’est pas assez nombreux. La rémunération des éducateurs pose aussi un problème. Ils perçoivent des honoraires et non des salaires. Le gouvernement a constaté que bien des choses laissaient à désirer à cet égard. Il arrive que des animateurs travaillent pendant plusieurs mois, jusqu’à six ou huit mois, sans être rétribués. C’est la raison pour laquelle les éducateurs qualifiés offrent leurs services à des ONG internationales qui leur versent des salaires et leur offrent des avantages annexes. Il n’existe aucun barème de paiement pour les animateurs, Pour cette raison, le personnel qualifié se met en quête d’opportunités meilleures, tandis que le personnel non qualifié pour des emplois à plein temps travaille à temps partiel dans des programmes d’éducation des adultes.

La prochaine crise fera quitter la rue et les marchés aux bénéficiaires des programmes éducatifs qui iront dans ces centres pour apprendre. Comme nous l’avons déjà indiqué, certains d’entre eux trouveront difficile d'abandonner leur commerce pour se consacrer à plein temps à une formation, même si celle-ci a pour objet de leur permettre plus tard de mieux exercer leur activité professionnelle ou de se trouver une activité plus lucrative. Consacrer une partie de leur temps à s'éduquer alors qu'ils gagnent de l'argent constitue pour eux un problème. Ils ont besoin du peu qu'ils gagnent au quotidien pour subvenir à leurs besoins et à ceux des personnes qui dépendent d'eux. L'éducation des adultes devrait tenir compte du facteur temps et proposer des programmes en fin de journée et le soir. Ainsi sera-t-il tenu compte du facteur temps en fonction des besoins de tous les bénéficiaires potentiels.

Marché á Freetown Source: Agnes Pessima

 

Conclusion

L’analphabétisme est incontestablement un problème en Sierra Leo-ne. Cette situation de crise concerne non seulement l’éducation des adultes, mais aussi le système éducatif tout entier. La Stratégie globale de l’Éducation nationale (1996-2006) aborde tous les aspects du système éducatif, formel et non formel, ce qui inclut aussi les programmes d’alphabétisation des adultes. Deux des objectifs de la Stratégie visent l’augmentation à 50 % du taux d’alphabétisation d’ici 2015 (objectif n° 4), conformément aux directives fixées à Dakar en matière d’éducation pour tous (EPT), et l’emploi de l’éducation comme instrument d’éradication de la pauvreté (Alghali, 2005). Cette démarche est encourageante, mais les ressources matérielles, financières et humaines disponibles suffiront-elles pour atteindre ces objectifs? Le taux d’analphabétisme restant élevé, le gouvernement devra reporter l’objectif des 50 % à une date ultérieure à 2015. Les gens ont tout au moins pris conscience qu’il fallait réduire l’analphabétisme, mais les obstacles à surmonter pour y parvenir restent nombreux. Il faut pour cela concevoir des stratégies transformatrices radicales au niveau national pour lutter contre la menace croissante qu’ils constituent. Nous sommes actuellement en pleine crise.

Références

Alghali, A.M., kandeh J.B.A, Thompson, E.J.D. Turay, E.D.A. (2005) Environmental scan on education in Sierra Leone, report of a consultancy on behalf of the Commonwealth of Learning (non publié).

Bown, L. et Tomori, S.H.O (1979), (eds.), A Hand book of Adult Education for West Africa, Hutchison University Library for Africa. Ministry of Education, Science and Technology (MEST) (1996) Education Master Plan, Government of Sierra Leone, Freetown.

Ministry of Education Science and Technology (MEST) (2001) «Gender Issues in Education, Training and Employment», dans Women and Men in partnership for Post-Conflict Reconstruction, Commonwealth Secretariat, Londres.

MEST, (2001) op.cit. Rogers, A. (1992), Adult Learning for Development, Cassell Educational Limited,Londres.

Statistics Sierra Leone (2004) National Census. Summer, D.L. (1963), Education in Sierra Leone, Government of Sierra Leone, Londres.

PNUD (1995), Human Development Report, New York, Oxford University Press. PNUD (2006) Human Development Report, Beyond Scarcity: Power and the global water crisis, U.S.A..

UNICEF (1998), Non-Formal Primary Education (NFPE) in Sierra Leone, Basic Education Section, Freetown, Sierra Leone.

1 L'African Institution, une organisation anti-esclavagiste, fut fondée en 1807 en Grande-Bretagne (ndlt).

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