Entretien avec madame Karin Jahr de Guerrero

  Nos objectifs stratégiques
  ● Vaincre le manque de qualifications est notre principale priorité.
  ● Promouvoir l’éducation globalement.
  ● Améliorer la qualité de l’éducation de base et son accès
  ● Renforcer davantage la formation professionnelle
  ● Renforcer l’enseignement universitaire et la science au lieu de négliger les talents
  ● Remplacer des concepts dépassés par des approches éducatives innovantes
  ● Faire participer davantage tous les acteurs importants
  ● Coopérer davantage avec le secteur privé
  ● Accroître l’efficacité des activités éducatives
  ● Accroître la pertinence et la visibilité de l’éducation.

Source: Stratégie d’éducation du BMZ

Voici longtemps qu’il nous fallait une stratégie d’éducation…


EA + D:
1 Pour quelle raison le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) a-t-il élaboré sa propre stratégie de l’éducation et pourquoi à ce moment précis? Qu’est-ce que cela signifie pour l’éducation en tant qu’élément du concept global de coopération au développement?

Jahr de Guerrero: Avec sa nouvelle stratégie de l’éducation, le BMZ a pour la première fois présenté un texte politique exposant les bases de notre programme en matière d’éducation dans le domaine de la politique allemande du développement. Voici cinquante ans, à savoir depuis la création de la Coopération technique, que nous intervenons dans le secteur de l’éducation, à commencer par la formation professionnelle, sans toutefois avoir disposé jusqu’à maintenant d’une stratégie s’appliquant à tous les domaines de l’éducation. Voici donc longtemps qu’il nous en fallait une. Cela fait bien un an qu’au BMZ tous les domaines liés à l’éducation, de l’éducation primaire à la formation professionnelle, en passant par l’enseignement universitaire, sont réunis au sein d’un service unique. «L’éducation est, il faut le dire, l’un des domaines clés du contrat de coalition. 2 Le gouvernement fédéral accorde une très haute importance à l’éducation, notamment aussi en matière de politique du développement.

Nous sommes le second donateur international dans le domaine de l’éducation. En ce qui la concerne, nos paiements se sont élevés à 1,23 milliard d’euros en 2009, ce qui correspondait à 20 % du total de la coopération bilatérale allemande. Ces sommes étaient réparties sur les différents secteurs, c’est-à-dire que nous avons par exemple dépensé 106 millions d’euros pour l’éducation primaire en 2009. Autre grand domaine de financement: la formation professionnelle. En 2009, nous avons dépensé pour elle 75 millions, ce qui fait de nous le plus grand donateur mondial dans ce domaine. L’enseignement universitaire, dans la mesure où il ne concerne pas les frais d’études pour les étudiants venus de pays en développement pour étudier en Allemagne a bénéficié de financements à hauteur de quelque 200 millions. L’éducation secondaire représente quant à elle la plus petite partie des financements avec cinq millions d’euros. La répartition régionale des aides officielles au développement (AOD) pour l’éducation est de 47 % pour l’Asie, de 24 % pour l’Afrique, de 12 % pour l’Europe, de 12 % pour l’Amérique latine et de 5 % pour les autres pays.

EA + D: Cette question intéresse bien sûr particulièrement les représentants d’organismes d’éducation des adultes comme la Confédération allemande pour l’éducation des adultes: dans le document stratégique, nous n’avons relevé qu’une seule fois l’emploi plutôt marginal de l’expression «éducation des adultes». L’éducation informelle y est aussi seulement mentionnée en passant. Nous aimerions savoir comment l’éducation des adultes, l’apprentissage non formel, l’apprentissage extrascolaire, entre dans la stratégie du BMZ en matière d’éducation et si ce domaine peut attendre des financements de sa part.

Jahr de Guerrero: La stratégie a délibérément été formulée de manière concise pour que non seulement les gens qui appuient leurs activités sur elle, mais aussi les pays partenaires et nos partenaires donateurs internationaux puissent l’assimiler. C’est un document de référence politique, pas un manuel technique. Nous ne sommes par conséquent délibérément pas entrés dans les détails. Nous nous sommes d’abord orientés vers les sous-domaines traditionnels que sont l’éducation primaire, la formation professionnelle et l’enseignement universitaire – soulignons ici en passant que nous considérons que l’alphabétisation des adultes fait partie de l’éducation primaire et que la formation professionnelle initiale et continue sont des éléments de la formation professionnelle. Nous appuyons notre stratégie sur le principe de «l’apprentissage tout au long de la vie» qui s’applique au cycle de vie tout entier, de la tendre enfance à l’âge adulte. Par cet intitulé, nous indiquons en outre que parallèlement à l’éducation formelle, nous promouvons aussi l’éducation non formelle et informelle – et ce, dans tous les domaines de l’éducation.

Nous avions soumis l’ébauche de la stratégie à un débat en mai, à l’occasion du Congrès des universités populaires du DVV et avons obtenu de très vives réactions. L’une d’elles demandait de formuler un peu plus clairement le fait que nous pensions aussi à l’éducation des adultes. À présent, nous analysons la foule d’idées et de commentaires que nous avons reçus et les incorporons de la façon adaptée la mieux possible à la stratégie de l’éducation.

Nous nous proposons par ailleurs de rédiger un document de position du BMZ au sujet de l’éducation des adultes. Il formulera concrètement la stratégie dans le domaine de l’éducation des adultes. Un document de position existe déjà au sujet de la formation professionnelle, que nous actualiserons. Nous actualiserons aussi les documents de position sur l’éducation primaire et l’université.

Table ronde: Discussion sur la stratégie d’éducation du BMZ

 

 

 

Table ronde: Discussion sur la stratégie d’éducation du BMZ
Source: Heide Scherm

 

 


EA + D: Une question justement au sujet de ce document de position sur l’éducation des adultes qui sera une vraie nouveauté: est-il aussi prévu, à l’instar du document de stratégie, de faire participer des organisations du secteur de l’éducation des adultes à l’élaboration du document de position sur l’éducation des adultes et at-on aussi pensé à demander des avis dans les pays partenaires pour reprendre des éléments qui y sont considérés comme significatifs, importants et nécessaires?

Jahr de Guerrero: Je ne peux pas anticiper bien entendu. Les documents de position sont toutefois généralement élaborés suivant un mode participatif. Les principaux partenaires et organisations chargées de la mise en œuvre y contribuent toujours, et DVV International compterait certainement parmi eux, d’autant qu’il fait partie de notre équipe qui se consacre au thème de l’éducation. Il faudra cependant planifier cela plus concrètement quand nous commencerons à travailler à l’élaboration du document de position.

Juste encore une chose peut-être au sujet du rôle de l’éducation non formelle et de votre question relative au financement: d’une manière générale, le BMZ est dans l’heureuse position d’être, en dehors du ministère de l’Éducation, le seul ministère auquel davantage de fonds du budget gouvernemental allemand ont été affectés et dont le nombre d’activités de coopération éducative augmente ainsi de façon correspondante – et nous présumons que cette tendance se maintiendra, car au bout du compte, l’éducation est une des priorités des domaines de coopération.

EA + D: Le document stratégique indique que la stratégie éducative du gouvernement fédéral pendant la période mentionnée joue en quelque sorte un rôle pionnier dans la politique internationale de coopération. Sommes-nous véritablement des pionniers avec notre idée d’une approche holistique de l’éducation? Notre point de vue se distingue-t-il de manière vraiment essentielle de celui des pays donateurs et ne nous situons-nous pas dans le consensus de la coopération multilatérale?

Jahr de Guerrero: Il y deux ou trois ans on comprenait encore très peu cela. Nous en avons entre-temps fait la promotion auprès de nos partenaires internationaux. Après avoir obtenu de très grands succès dans la poursuite de l’objectif de l’OMD n° 2 de l’éducation primaire universelle avec nos pays partenaires, la pression a augmenté aux niveaux suivants, c’est-à-dire dans le domaine de l’enseignement secondaire, que ce soit dans le secteur scolaire ou professionnel, ce qui a bien sûr aussi entraîné chez nos partenaires un regain d’intérêt en ce qui concerne une façon plus holistique d’envisager ce domaine de l’éducation. Jusqu’à présent, il n’existe toutefois que peu de stratégies s’attachant aussi résolument que la nôtre à mettre cette approche en œuvre dans la pratique. Nous considérons par conséquent que nous jouons un rôle de pionnier. Nous constatons que l’approche holistique est à présent aussi assez bien ancrée dans la stratégie de la Banque mondiale, ce qui est largement dû à nos commentaires concrets et à notre collaboration.

La méthode que nous employons pour élaborer des plans de développement dans une optique participative ouverte, faisant aussi appel au secteur privé, entre autres à de nombreux acteurs de la société civile, est également une nouveauté qui fait de nous des pionniers, ce que les bailleurs de fonds confirment aussi lors de débats nationaux et internationaux, et ce qu’ils apprécient beaucoup.

EA + D: Permettez-moi d’insister sur ce point: la coopération au développement est effectivement organisée selon un modèle participatif. Le pays donateur tient compte des souhaits et besoins formulés par le pays partenaire. La promotion de l’éducation informelle ou des secteurs informels joue-t-elle un rôle ou est-ce un point que les partenaires n’abordent plutôt pas? Dans les négociations, les gouvernements sont les premiers partenaires de la politique du développement allemande. Ces gouvernements expriment-ils du reste des souhaits concernant les secteurs informels ou faut-il d’abord le leur rappeler et les inciter à le faire?

Jahr de Guerrero: Nous nous orientons bien sûr vers ce que nos pays partenaires souhaitent obtenir de notre part, puis nous regardons s’il nous est possible de répondre à ces souhaits en fournissant des prestations de la qualité qui convient. L’éducation des adultes fait partie des demandes, mais pas assez à mon point de vue ou tout au moins pas assez par rapport aux nécessités si l’on s’en remet aux lacunes présentées dans la Rapport mondial de suivi (RMS).

Voyez-vous, le problème réside bien sûr dans le fait que dans beaucoup de pays partenaires – c’est ce que je sais de certains gouvernements et aussi d’organisations partenaires – l’on n’accorde souvent pas grande importance à l’éducation des adultes du fait des problèmes pressants qui existent dans le secteur de l’éducation. Les ministres de l’éducation n’y sont pas non plus chargés de diriger les négociations gouvernementales avec l’Allemagne, qui sont parfois menées par les ministres des finances ou de la planification, ce qui signifie qu’il faut surmonter une quantité d’obstacles avant qu’une demande de soutien à l’éducation des adultes ne soit réellement formulée à la table des négociations avec l’Allemagne.

En dehors du dialogue nécessaire avec les responsables de la coopération au développement des ministères compétents, les partenaires nationaux devraient aussi rechercher le contact avec les rapporteurs chargés de la coopération économique dans les ambassades et leur y adresser leurs demandes. Au-delà des négociations avec les gouvernements, il reste aussi les organisations non gouvernementales qui conçoivent directement avec leurs partenaires des projets et des propositions de programmes, souvent ensuite présentés au BMZ et que nous soutenons ensuite financièrement.

EA + D: Il n’y a pas que l’approche holistique par laquelle les différents niveaux ou secteurs d’activités éducatives sont envisagés d’un point de vue global qui est une nouveauté. La participation de toutes sortes de partenaires à ce processus est lui aussi nouveau. On a notamment particulièrement remarqué que l’initiative privée occupait ici une grande place. Pouvez-vous nous expliquer comment les initiatives privées auxquelles nous, en tant qu’organisation d’éducation des adultes, vouons un intérêt particulier, peuvent jouer et être soutenues?

Jahr de Guerrero: Le financement provenant du secteur privé est un des pôles de nos activités de coopération au développement. La nécessité d’une participation du secteur privé au financement de l’éducation est constamment reconnue dans tous les débats, conférences et forums internationaux. Quand on voit les sommes nécessaires pour atteindre les six objectifs de l’EPT ou les OMD concernant l’éducation, il devient manifeste que la coopération au développement ne peut pas se faire sur l’unique base de financements publics. On peut imaginer des partenariats entre les secteurs public et privé dans tous les domaines de l’éducation, mais bien sûr notamment dans celui de la formation professionnelle. De bons exemples de cela existent déjà: souvent, les entreprises allemandes ont des usines de fabrication à l’étranger et mettent en place avec les structures locales des formations de mécanicien ou d’électronicien, ou des offres comparables pour former du personnel qualifié de ce type, et dont les services sont demandés dans les entreprises. Les personnes ainsi formées trouvent ensuite aussi du travail et tout le monde en profite.

  EA + D: La politique du développement n’a souvent pas la part belle auprès du public dans son pays d’origine. Les gens ont encore souvent tendance à penser qu’avec l’aide au développement, on n’obtient pas grand-chose qui profite aux intérêts allemands, mais qu’au contraire, les sommes investies sont plutôt de l’argent jeté par les fenêtres au nom du politiquement correct. Comment pouvons-nous exposer suffisamment clairement le bénéfice qu’apporte l’engagement de la République fédérale d’Allemagne en matière de politique du développement pour le rendre crédible auprès du public et qu’il reçoive un plus grand soutien.

Jahr de Guerrero: C’est pour nous un aspect essentiel. Si vous regardez la stratégie, il transparaît en de nombreux points, mais particulièrement clairement dans notre objectif n° 10: nous savons que sans le soutien de la population allemande et finalement aussi du Parlement, nous ne pouvons rien faire. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous avons choisi une méthode participative très ouverte pour élaborer la stratégie, ce qui est peut-être favorable pour susciter l’intérêt et l’ouverture d’esprit à l’égard d’un engagement non gouvernemental privé ou personnel.

EA + D: Une dernière question: le document de stratégie en est actuellement encore à l’état d’ébauche. Que faut-il encore pour en adopter la version finale?

Jahr de Guerrero: Le ministre au Développement Dirk Niebel a présenté l’ébauche du document le 1 er mars, à Berlin, lors d’une conférence internationale. À la suite de cela, nous avons organisé des débats d’experts et conférences sur différents points de la stratégie, par exemple sur la formation professionnelle, sur le rôle de l’éducation dans la prévention des conflits et des crises, ou sur la coopération financière dans le secteur de l’éducation. Nous avons bien sûr également présenté la stratégie, non seulement au congrès des universités populaires organisé au DVV et au congrès mondial du CIEA qui s’est déroulé en juin à Malmö, mais aussi à la Banque mondiale, à Washington, et à d’autres partenaires internationaux, et nous avons mené avec eux des débats à son sujet. En même temps, nous recevons beaucoup de commentaires via Internet, que nous analysons aussi. C’est en nous appuyant sur tout cela que nous rédigerons la version définitive de notre stratégie que nous présenterons d’ici la fin de l’année.

Notes

1 «Éducation des Adultes et Développement.»
2 Le contrat de coalition entre la CDU, la CSU et le FDP pour la législature 2009-2013 est intitulé: «Croissance, éducation, solidarité».

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