L’apprentissage tout au long de la vie pour tous : un objectif mondial potentiel pour les calendriers de l’éducation et du développement de l’après-2015 !

Heribert Hinzen
DVV International, Laos

 

 


Résumé
– Les calendriers de l’éducation et du développement couvrant les années de 2000 à 2015 s’achèveront bientôt. Cet article explique les processus ayant conduit aux agendas actuels et ce qui se passe à présent. Nous voyons déjà que malgré un certain nombre d’accomplissements et de progrès, la plupart des objectifs dont il avait été convenu n’ont pas été atteints – notamment pour ce qui touche à l’éducation des jeunes et des adultes, et aux besoins de ces personnes en matière d’apprentissage et de formation. Par conséquent, la communauté de l’éducation des adultes doit continuer d’être davantage impliquée dans le débat qui bat son plein actuellement au sujet de la période de l’après-2015. Il est nécessaire de soutenir davantage les jeunes et les adultes dans l’optique de l’apprentissage tout au long de la vie pour tous.



Lorsque nous entamâmes le nouveau millénaire, dans la crainte des pannes informatiques que pourrait susciter le passage informatique à l’an 2000 (qui s’en souvient encore aujourd’hui ?)1, les Nations unies accomplirent une chose vraiment spectaculaire : sévèrement critiquée tant pour la lenteur de ses prises de décisions que pour son incapacité à les mettre en œuvre, cette organisation réussit à composer un plan ambitieux pour atteindre nombre de ses objectifs fondamentaux. Manifestement, les Objectifs du millénaire pour le développement, également dits OMD, furent le fruit de nombreuses discussions et se traduisirent par un compromis. Néanmoins, ils déployaient une feuille de route concrète, avec des objectifs mesurables dans huit domaines. En même temps, en 2000, nous nous dotâmes des six Objectifs de l’éducation pour tous (EPT).

OMD et EPT

Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont le résultat produit par 193 États membres qui, réunis au Sommet du millénaire des Nations unies à New York, se mirent d’accord pour atteindre huit objectifs visant à réduire la pauvreté, la mortalité infantile et le VIH-SIDA, et à améliorer l’éducation primaire, l’égalité des sexes, la santé maternelle, la durabilité écologique et le partenariat pour le développement [voir page 8 pour plus de détails, ndlr].

L’éducation pour tous (EPT) est le résultat produit par les 1 500 participants au Forum mondial sur l’éducation de Dakar qui se mirent d’accord sur six objectifs couvrant la petite enfance, l’éducation primaire, les jeunes et les compétences, l’alphabétisation des adultes et l’éducation permanente, l’égalité des sexes et l’amélioration de la qualité [voir page 9 pour plus de détails, ndlr].

Le calendrier de l’EPT représentait un grand pas en avant. Il remplaçait la déclaration mondiale sur l’éducation pour tous intitulée : Répondre aux besoins éducatifs fondamentaux, qui avait été adoptée à Jomtien en 1990. L’EPT considérait l’éducation d’un point de vue holistique, et cette nouvelle vision entendait couvrir toute la vie – dans sa longueur, sa profondeur et sa largeur.

Participer

Le mouvement mondial de l’éducation des adultes a commencé de bonne heure à participer à ces processus, dépassant ainsi le cadre des CONFINTEA, les conférences mondiales sur l’éducation des adultes organisées par l’UNESCO. En 1990, juste avant Jomtien, le Conseil international de l’éducation des adultes (CIEA) organisa son assemblée mondiale également en Thaïlande. Au plan national, DVV International, déployait d’intenses activités de plaidoyer au sein du groupe de travail préparatoire en Allemagne, ce qui me valut plus tard d’être invité à me joindre à la délégation du gouvernement qui participa à la conférence de Dakar. Depuis, cette revue a publié des numéros spéciaux et de nombreux articles pour préparer ou analyser des manifestations organisées sur le thème de l’EPT ainsi que leurs résultats dans la politique et la pratique aux plans mondial, régional et national.

Pour cette raison, le CIEA, DVV International et d’autres membres furent invités à rejoindre d’importants comités comme le groupe consultatif de la CONFINTEA VI, celui des experts de la Décennie de l’alphabétisation organisée par l’ONU ou le comité de rédaction du Rapport mondial de suivi sur l’EPT, publié une fois par an. L’édition 2012 s’intitulait Jeunes et Compétences, le suivant s’intitulera Apprendre et enseigner pour le développement.

Deux de nos objectifs furent approuvés à Dakar comme appartenant à l’EPT :

  • « (iii) Répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à des programmes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances ainsi que de compétences nécessaires dans la vie courante.
  • (iv) Améliorer de 50 % les niveaux d’alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, d’ici à 2015, et assurer à tous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente. »

Malheureusement, cette vision élargie de l’EPT se retrouva limitée par les seconds Objectifs du millénaire pour le développement qui voulaient « réaliser l’éducation primaire universelle ». De ce fait, la plupart des gouvernements et des partenaires du développement ne prêtèrent d’attention qu’à cet aspect du calendrier de l’EPT. Il serait important d’analyser le flux de l’aide au développement accordée à l’éducation et de démontrer combien – même si ce n’est pas suffisant – a été fait pour les enfants et les écoles, et le peu qui a été entrepris pour l’éducation permanente et les besoins en formation des jeunes et des adultes.

La communauté de l’éducation des adultes a critiqué la mise en œuvre des OMD et des objectifs de l’EPT pour leur focalisation sur la scolarité primaire et la façon dont les jeunes et les adultes, et leurs besoins en matière d’éducation et de formation ont été négligés. Cette publication vise à remettre les pendules à l’heure et à prendre part au débat déjà engagé : que devrait-il se passer après 2015 ? Étant donné que le succès obtenu à Dakar par la communauté de l’éducation des adultes ne s’est pas traduit par une réussite à l’avenant quant à la mise en œuvre des objectifs, le moment est venu de dresser l’inventaire des réalisations et d’examiner ce qu’il faudrait faire maintenant.

Les débats de l’après-2015

Nous observons toute une diversité de processus, de conférences et de sites Internet sur la scène mondiale. Ils tentent d’évaluer les résultats obtenus jusqu’à présent et d’entamer le débat sur ce qui devrait suivre. Somme toute, il apparaît clairement que les huit OMD n’ont pas été atteints dans la plupart des pays du Sud et ne le seront pas d’ici 2015. On peut dire la même chose des six objectifs de l’EPT pour lesquels la plupart des indicateurs montrent qu’il reste encore beaucoup à faire. En même temps, nous devrions fêter les nombreux succès et en tirer des enseignements, car ils peuvent nous enseigner des leçons nécessaires pour la prochaine décennie. Nombre de ces succès sont bien présentés dans les différents numéros du Rapport mondial de suivi sur l’EPT publié une fois par an et qui abonde en récits de ce type.

Des voix s’élèvent, suggérant d’établir une fois de plus un ensemble d’objectifs mondiaux, mais cette fois assortis d’objectifs nationaux et/ou contextuels, et avec des indicateurs s’y appliquant. L’argument en faveur de cette démarche se base sur le fait que ce qui est facile à atteindre dans un pays peut être très difficile à réaliser dans un autre. Il existe même à l’intérieur des pays des écarts souvent importants quant aux possibilités offertes dans les zones urbaines et rurales, entre les riches et les personnes marginalisées, sans parler les inégalités existant toujours entre l’accès à ces possibilités pour les femmes et les hommes. Les nouveaux OMD, que l’on pourrait qualifier d’objectifs pour le développement durable, expriment une compréhension croissante de l’interconnexion des différents objectifs : des gens en meilleure santé apprennent mieux, des jeunes et des adultes plus instruits sont moins vulnérables.

L’équipe spéciale du système des Nations unies, chargée de travailler sur le calendrier du développement de l’ONU de l’après-2015 (UN System Task Team on the post 2015) a publié un rapport qu’elle a qualifié de « document de réflexion thématique » sur « l’éducation et les compétences pour un développement inclusif et durable après 2015 ». Elle observe des tendances en matière d’éducation et articule ses résultats de la manière suivante :

    • la croissance de la quantité d’informations et la nouvelle nature de ces dernières ;
    • moins d’attention accordée à l’enseignement au profit d’une concentration accrue sur l’apprentissage ;
    • apprentissage tout au long de la vie : au-delà d’un paradigme de l’éducation centré sur les cours en classe ;
    • apprentissage futur : estomper les limites entre l’éducation, le travail et la vie ;
    • élever le niveau des exigences en matière de compétences et celui des compétences de base ;
    • défis de l’employabilité : faciliter la transition entre l’école et la vie professionnelle ;
    • anticiper les changements.
    • Il semble que malgré tout un ensemble d’opinions et d’arguments divers il y ait une conception de plus en plus communément acceptée qui demande au sujet des différents agendas
    • un calendrier spécifique à l’éducation, couvrant tous les aspects de la scolarité, de la formation et de l’apprentissage ;
    • la présence de l’éducation à tous les niveaux de la mise en œuvre du calendrier du développement.

Cette conception courante peut être constatée dans les nombreux documents que l’on trouve partout. Cette tendance travaille pour nous, mais il faut la renforcer. Le débat sur l’après-2015 bat son plein, et si la conférence qui s’est tenue en mars à Dakar indique une chose, c’est que la communauté de l’éducation des adultes doit intensifier ses efforts si nous voulons influer sur les objectifs à venir. Heureusement, nous sommes tous invités à prendre part à la discussion.

La communauté de l’éducation des adultes dispose de nombreuses occasions de participer à ce débat par le biais d’un grand nombre de conférences, sites Internet, blogs et réseaux sociaux. Cette discussion peut servir d’exemple positif dans la région Asie-Pacifique où le bureau de l’UNESCO à Bangkok a pris l’initiative d’examiner les perspectives d’avenir avec des spécialistes à l’occasion d’une série de conférences :

  • mai 2012 : Vers des objectifs de l’EPT pour 2015 et au-delà – modeler une nouvelle vision de l’éducation (Towards EFA 2015 and Beyond – Shaping a new Vision of Education) ;
  • novembre 2012 : Quelle éducation pour l’avenir : après 2015. Repenser l’apprentissage dans un monde en changement (What Education for the Future: Beyond 2015. Rethinking Learning in a Changing World) ;
  • mars 2013 : L’éducation dans le calendrier du développement après 2015. Consultation thématique régionale dans la région Asie-Pacifique (Education in the post 2015 Development Agenda. Regional Thematic Consultation in the Asia Pacific).

Où en sommes-nous maintenant ?

Le débat a atteint un premier moment crucial au niveau mondial avec la consultation thématique de l’ONU sur l’éducation dans le calendrier du développement de l’après-2015. La conférence de Dakar, en mars 2013, a proposé des priorités visant : « Une concentration accrue sur la qualité et la façon de la mesurer, sur l’équité et sur l’accès offert aux enfants difficiles à atteindre, et sur ce qui devrait se passer durant les trois premières années de scolarité secondaire. » Ces priorités indiquent clairement que les besoins des enfants en matière de scolarisation dominent une fois de plus dans le déroulement actuel des processus et débats liés aux objectifs de l’EPT.

En même temps, un grand pas en avant a été effectué dans le résumé des résultats où sont proposés « une éducation et un apprentissage pour tous tout au long de la vie, de qualité et équitable » en tant qu’objectif primordial de l’éducation pour créer le monde que nous voulons.

Le communiqué de la société civile publié à l’occasion du Forum mondial de la société civile sur le calendrier du développement de l’après-2015, qui s’est déroulé en mars 2013 à Bali, proposait dans une déclaration qu’un futur « cadre comporte des objectifs et des cibles à tolérance zéro concernant l’accès universel à un système de santé équitable, à une éducation et un apprentissage tout au long de la vie inclusifs, à l’eau et à l’hygiène publique, et à la sécurité de la nourriture et de l’alimentation. »

En prenant part maintenant à ces débats et en les approfondissant par le biais de notre revue, nous espérons offrir une occasion supplémentaire de discuter en profondeur sur la raison pour laquelle « l’apprentissage tout au long de la vie pour tous » serait un but primordial faisant de l’éducation un droit humain, de même qu’il ferait des connaissances et compétences en matière de citoyenneté, de moyens d’existence et de besoins professionnels une orientation globale.

Il n’est pas trop tard pour que la communauté de l’éducation des adultes s’implique davantage. Les membres du CIEA devraient le faire aux niveaux national et régional. La communauté de l’éducation des adultes peut renforcer ses positions et ses exigences par des recommandations politiques reposant sur des preuves tirées de bonnes pratiques. Les lecteurs de cette publication sont tous invités à se joindre au débat à l’occasion d’un séminaire virtuel prévu début 2014 [voir page 46 pour plus de détails, ndlr]. Découvrez ci-dessous les thèmes qui y pourront y être abordés.

  • Quels sont les autres paradigmes dans et pour l’éducation et le développement qui transcendent l’orientation limitée en direction de la seule croissance économique ?
  • Comment les systèmes d’éducation peuvent-ils tendre la main de façon à offrir un meilleur accès et des structures plus inclusives reposant sur la politique, la législation et les finances pour tous les sous-secteurs ?
  • Comment la société civile aux plans national, régional et international peut-elle mieux participer à ces débats et, par conséquent, soutenir les efforts du CIEA et d’autres intervenants ?

Cette participation devrait s’étendre tant à l’éducation qu’au calendrier du développement. L’apprentissage et la formation des jeunes et adultes doivent avoir du poids dans ces deux domaines.

CONFINTEA et GRALE

Les Objectifs du millénaire pour le développement et les Objectifs de l’éducation pour tous ne sont pas les seuls consacrés à l’éducation au plan mondial. N’oublions pas la CONFINTEA. Le Cadre d’action de Belém, ratifié à la CONFINTEA VI en 2009, fait l’objet d’un suivi de la part de l’Institut de l’Unesco pour l’apprentissage tout au long de la vie (IUL) qui doit présenter un rapport à mi-parcours en 2015.

C’est à Belém que fut présenté le premier Rapport mondial sur l’apprentissage et l’éducation des adultes (Global Report on Adult Learning and Education/GRALE). Une fois le prochain GRALE publié, fin 2013, la communauté de l’éducation des adultes sera bien placée pour savoir ce qui a été accompli depuis Belém et sur quels politiques, pratiques, soutiens et partenariats il faudrait qu’elle se concentre – ce qui inclut la gouvernance et les structures et mécanismes professionnels et financiers sérieusement nécessaires. Il devrait être clair qu’il reste de moins en moins d’occasions et de temps pour les débats du bas vers le haut. La suite du processus de l’EPT pourrait déjà commencer début 2015 en Corée. Par conséquent, il faut une stratégie claire qui pourrait, par exemple, être celle de « l’apprentissage tout au long de la vie pour tous » – avec des objectifs connexes pour les différents secteurs et besoins des gens en matière d’éducation. Cette stratégie devrait être axée sur les jeunes et les adultes, et recourir à des objectifs et indicateurs nationaux pour la mettre en œuvre et en mesurer les résultats.

 


 

 

Note

1 On craignait alors que tous les systèmes informatiques ne cessassent de fonctionner le 1er janvier 2000.

Références

McGrath, Simon (septembre 2012) : Education and Skills Post-2015. What Education; What Development? Dans : NORRAG NEWSBite. Disponible sur http://bit.ly/PJvFlx

UNESCO (février 2013) : L’Éducation pour tous est abordable – d’ici à 2015 et au-delà. Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous. Document d’orientation 06. Disponible sur http://bit.ly/1gSSDjC.

Davantage d’informations concernant l’éducation après 2015 sur le site Internet de l’EPT : http://bit.ly/19syAKP

 


 

 

L'auteur

Heribert Hinzen a fait ses études universitaires en Allemagne, à Bonn et Heidelberg, où il a obtenu un doctorat en études comparatives en soutenant sa thèse sur l’éducation des adultes en Tanzanie. Il a travaillé pour DVV International depuis 1977 : dans les bureaux centraux et antennes en Sierra Leone et en Hongrie, et comme directeur de l’Institut à Bonn de 1999 à 2009, avant de partir s’installer au Laos. En outre, il enseigne à l’université royale de Phnom Penh les études comparatives de l’éducation en se penchant sur l’éducation non formelle, l’apprentissage tout au long de la vie et la formation axée sur les compétences pour les jeunes et les adultes. Il a reçu le titre de docteur honoris causa de l’Université Pécs. Auparavant, il a été vice-président du CIEA et de l’EAEA.

 

Contact

DVV International,
Regional Office South and Southeast Asia
351/19 Unit, Watnak Nyai Road, Thaphalanxay Village Sisathanak District, P.O. Box 1215, Vientiane
Lao PDR
hinzen@dvv-international.la
www.dvv-international.la

Éducation des Adultes et Développement

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